dimanche 25 décembre 2016

Les trop nombreuses soucoupes de Roswell


Gildas Bourdais, décembre 2016
 
Depuis que l’affaire de Roswell a été rouverte peu à peu, à partir des années 80, des témoignages et des documents contradictoires se sont accumulés, qui ont multiplié les accidents supposés d’ovnis dans la région de Roswell. Que penser de cette étonnante inflation ? Je pense pour ma part, après avoir étudié ce dossier depuis des années, qu’il y a un dossier crédible et un seul, étayé par de très nombreux témoignages, et c’est celui qui provoqua le célèbre communiqué de presse le 8 juillet 1947, démenti le soir même. Les enquêtes ont été longues et difficiles, et  même ce dossier a été handicapé par certains faux témoignages, comme ceux de Frank Kaufmann et Jim Ragsdale en 1994, que les enquêteurs de l’époque ont réussi cependant à neutraliser.
J’ai raconté cela dans plusieurs livres mais, il y a encore des récits divergents qui circulent et qui sont relancés dans les médias.  C’est un bon moment pour faire une brève récapitulation de ces histoires, dont la liste à elle seule devrait inciter à la prudence.

 
Le « vrai crash », sur trois sites : Foster ranch,  Impact site, et Dee Proctor site

C’est l’histoire principale du crash de Roswell, au début de juillet 1947, qui comporte trois sites : le « Foster ranch »  avec son vaste champ de débris, près de la bourgade de Corona à une centaine de km au nord-ouest de Roswell ;  un site très proche (« Dee Proctor site ») à quelques km à l’est, où on a trouvé des cadavres ; le site de l’impact (« impact site ») à environ 50 km au nord de Roswell, où l’on a trouvé un petit ovni (une nacelle de sauvetage ?) avec trois cadavres et peut-être un survivant selon plusieurs témoins. Les principaux enquêteurs sont Kevin Randle, Donald Schmitt et Tom Carey.  Le premeir live important était celui de Randle et Schmitt paru en 1991,  UFO Crash at Roswell (non traduit).

 
Le crash de San Agustin selon Stanton Friedman

C’est le récit « concurrent du précédent, défendu principalement par Stanton Friedman avec Don Berliner dans leur livre Crash at Corona paru en 1992 (non traduit). Les difficultés commencent car le livre soutient l’hypothèse de deux crashes, de deux soucoupes entrées en collision. L’une est tombée près de Corona, (d’où le titre du livre) et l’autre aurait réussi à survoler la vallée du Rio Grande et se serait écrasée plus à l’ouest dans la plaine de San Agustin. Il y a peu de témoins de ce second crash supposé. Le témoin principal est un ancien policier, Gerald Anderson, qui a été mis en doute après une violente polémique…

Cette piste a rebondi lorsque le caméraman anonyme du film de l’autopsie, apparu en 1995, a raconté que le vrai site du crash était près de la ville de Socorro dans la vallée du Rio Grande !  C’est dit notamment dans le livre Beyond Roswell de Michael Hesemann et Philip Mantle (1996, non traduit, pages 216 et suivantes).

Je suis pour ma part très sceptique sur ce second crash.

 
Les débuts de « Majestic 12 « : les deux Briefings pour le Président-élu

 C’est d’abord le « Briefing pour le Président-élu Eisenhower » reçu par la poste en 1984, par Bill Moore et Jaime Shandera, et révélé en 1987. Il ne cite pas le crash de Roswell, mais d’autres, apparus au cours des années suivantes.
Puis il y a un second Briefing, montré à Linda Howe en 1983, par l’agent Richard Doty de l’AFOSI  (Air Force Office of Special  Investigations) à Kirtland,  selon lequel il y aurait eu deux crashes dans la région de Roswell. L’un d’eux, au moins, aurait été provoqué par un radar au sol près de Corona qui aurait perturbé son système de navigation. Linda Howe a demandé à Doty pourquoi il lui montrait cela et non pas à la grande presse. « Parce que vous êtes plus facile à manipuler », lui aurait-t-il répondu ! (c’est dans son livre An Alien Harvest paru en 1989).
Il n’y a, à ma connaissance, aucun témoin de la région qui aurait vu ce radar près de Corona.

 Les crashes se multiplient dans les documents « Majestic 12 »

L’histoire se corse avec l’apparition dans les années 90 d’un premier gros paquet de documents, dits « Majestic 12 ». Il ont été révélés par l’ufologue Tim Cooper, qui a dit les avoir reçus d’un agent retraité surnommé « Cantwheel », dont l’identité reste inconnue.

Le Dr Robert Wood et son fils Ryan les ont publiés dans une brochure de 190 pages en 1998, The Majestic Documents. Ryan m’en a donné une copie, pour le Cometa,  lors de la conférence de Laughlin de 2000 au Nevada, où j’étais invité pour présenter le rapport du Cometa .

J’ai détaillé cela dans mes livres, notamment OVNIS. Vers la fin du secret paru en 2010. En voici le passage le plus significatif pour montrer la multiplication étonnante des histoires de crashes liées à l’affaire de Roswell.

 Extraits de mon live OVNIS Vers la fin du secret ? (JMG 2010)

 « Les documents suivants tournent autour de la découverte d’un ou plusieurs véhicules accidentés en juillet 1947. Il y est question, bien sûr, du crash de Roswell, mais les choses se compliquent un peu. Ce sont :

- une instruction (Field Order) donnée début juillet à une unité spécialisée, la “Interplanetary Phenomenon Unit (IPU)” de se rendre immédiatement sur les lieux ;

 -le “résumé” de l’IPU, document de sept pages daté du 22 juillet. Celui-ci décrit sommairement la découverte de deux objets volants entre le 4 et le 6 juillet, l’un près de Corona, site “LZ-1” (LZ, pour Landing Zone) – on reconnaît là le ranch de Brazel - et l’autre à environ 30 km au sud-ouest de Socorro, près d’Oscura Peak, proche du site de l’explosion de la première bombe atomique (en fait, au sud-est de Socorro). Sur ce deuxième site, on a trouvé cinq cadavres, d’environ 1,50 m de haut, la peau gris rose, pas de cheveux, le corps mince, vêtus d’une combinaison ajustée, à l’épreuve du feu. Ils sont sexués mais de manière peu visible. D’autres corps ont été trouvés près du site LZ-1, ainsi que des parties de corps d’animaux à l’intérieur de l’appareil à LZ-2. Peu après la découverte à LZ-2, quatre techniciens sont tombés gravement malades et trois sont morts d’hémorragie !

-une instruction donnée le 8 juillet au général Twining de se rendre à White Sands pour faire une évaluation des ovnis qui y sont conservés ;

-un rapport de Twining du 16 juillet, de trois pages, intitulé “Air Accident Report”, qui décrit la soucoupe trouvée près de Victorio Peak (site absent de la carte routière du Nouveau-Mexique : faut-il comprendre Oscura Peak ?), en forme de “beignet” d’environ 10 m de diamètre (35 pieds). A l’intérieur, un compartiment suggère la présence possible d’un “moteur atomique”. Les scientifiques allemands de Fort Bliss et White Sands (c’est là qu’était notamment von Braun) n’ont pu identifier cet appareil comme un engin secret humain. Selon Oppenheimer et von Karman, c’est le corps même de l’appareil qui pourrait faire partie du système de propulsion (une idée qui figurait déjà dans le livre du colonel Corso : l’appareil pourrait se charger électriquement…) ;

-un mémorandum du CIG (“ Central Intelligence Group”, précédant la CIA qui va être mise en place le 18 septembre, le même jour que l’US Air Force). Daté du 19 septembre, et signé Hillenkoetter (Directeur du CIG puis de la CIA dans la foulée), ce texte d’une seule page dévoile l’existence d’un troisième site, à 50 km (30 miles) à l’est du terrain d’aviation d’Alamogordo (plus tard Holloman), découvert le 5 juillet !

-vient ensuite un “Mission Assessment”, de 19 pages, daté du 19 septembre, qui inaugure le sigle “ULAT” pour désigner les ovnis (“ Unidentified Lenticular Shaped Aerodyne” ). Là, il y a un petit problème : les deux zones de crash sont inversées. LZ-1 est placée près de Socorro ;

-enfin, une pièce importante, non datée mais écrite d’après le contexte en 1952, le “Premier rapport annuel” du Groupe Majestic-12. De nouvelles précisions sont apportées, sans toutefois clarifier complètement ce scénario d’accidents en série. On y évoque l’éjection à haute altitude d’un “cylindre de sauvetage” (escape cylinder) à la suite d’une collision entre deux soucoupes d’origine interplanétaire. Des cinq corps retrouvés, deux étaient dans le cylindre. Mais la suite n’est pas claire, envisageant l’hypothèse assez incroyable d’une collision avec un appareil expérimental (on a observé la fusion de trois spots radar).

 Le  risque de désinformation
 
Que penser de tout cela ? C’est vraiment beaucoup, et il y a de bonnes raisons, que j’expose dans mon livre, de penser que ces documents mélangent, dans la meilleure hypothèse, de vraies informations avec de la désinformation.  Je regrette que certains auteurs ne semblent pas s’en rendre compte. Par exemple Marc Saint-Germain, dans son livre  Les gardiens du silence  paru en 2014. Je l’ai rencontré à Paris lors d’un repas ufologique à La Défense. Je l’ai trouvé très sympathique et de bonne foi, mais je reste très réservé sur sa présentation des choses. Il cite même un autre chercheur, Chuck Wade, qui aurait recensé sept sites de crashes ! (page 87). Et il cite aussi le témoignage du lieutenant-colonel Richard French, apparu en 2012 dans le Huffington Post, qui « révèle » encore une autre version de Roswell : deux soucoupes, dont l’une au moins aurait été abattue par un avion expérimental aux essais à White Sands, avec une arme à « pulsations électroniques ! (page 104). Remarquons que ce lt-col. French révèle également qu’il avait fait du « debunking » des ovnis à l’époque de « Blue Book » …
Là, je trouve que ça tourne un peu à la science-fiction, à la manière de Stargate, et je préfère arrêter mes commentaires.