samedi 10 avril 2010

Retour sur l'affaire Ummo Seconde partie



Retour sur l'affaire Ummo
Seconde partie : D'où viennent les lettres ?
par Gildas Bourdais Janvier 2002  

   

L'une des photographies de San José de Valderas (vue partielle)  
 

Des " révélations" qui n'en sont pas vraiment

Jean-Pierre Petit répète dans ses livres et ses articles que les lettres ummites recèlent des idées scientifiques du plus grand intérêt, qui l'ont beaucoup inspiré, notamment pour concevoir son modèle de propulsion "MHD", et en cosmologie. Selon lui, ces idées scientifiques sont la meilleure preuve de l'origine extraterrestre de ces lettres. Il répond ainsi aux critiques : "Tous butent sur le noyau dur du dossier : ses aspects scientifiques, sur lesquels ils ne sont pas en mesure de faire des commentaires pertinents" (Petit 2, p. 43).
Il y a là un argument d'autorité qui semble exclure les non-scientifiques de tout débat sérieux sur l'affaire Ummo : "taisez-vous, vous n'êtes pas scientifique !". Mais sans être scientifique, on peut quand même s'informer, et écouter les opinions de scientifiques qui se sont exprimés à l'occasion. Des erreurs graves ont déjà été signalées en astronomie. Qu'en est-il des idées censées être totalement originales ? Sont-elles nécessairement d'origine extraterrestre ?

La MHD, connue avant les lettres ummites

Jean-Pierre Petit raconte dans son premier livre sur Ummo comment il commença à étudier des lettres ummites en 1974, fournies par Claude Poher, par l'intermédiaire d'un ami, et y trouva rapidement le principe de la propulsion par la MHD (Magnétohydrodynamique). Dès la fin de 1975, il publiait un article décrivant le principe d'un "aérodyne MHD" (Petit 2, p. 8).



Le premier livre de Jean-Pierre Petit sur Ummo

  De quand datait cette lettre ummite parlant de MHD ? Petit n'est pas clair sur ce point. Nous trouvons la lettre en question dans le livre de Ribera Les Extraterrestres sont-ils parmi nous ?. C'est un rapport de 43 pages sur la nef ummite, reçu par l'ingénieur en bâtiment Enrique Villagrasa le 9 janvier 1968. Une page y décrit des effets de contrôle de la "couche limite" et "couche de choc" (Ribera 5, p.147).
Or ce genre d'idée était loin d'être totalement nouveau à l'époque. Cela a été dit clairement dans le livre de J.-C. Bourret et J.-J. Velasco, OVNIS. La science avance, paru en 1993, qui cite notamment une communication du physicien et ufologue américain Stanton Friedman, faite à un colloque sur les ovnis organisé en juillet 1968 par le Comité de la science et de l'astronautique de la Chambre des Députés (Bourret, Velasco 1, p. 175).



Le physicien Stanton Friedman à un symposium de Saint-Marin (photo G. Bourdais)

En voici un extrait tout à fait clair (plus clair d'ailleurs que le texte ummite !). Friedman répond à une question sur les effets électromagnétiques observés à proximité des ovnis :
"Question 22 : Se pourrait-il qu'ils soient liés à un moyen de propulsion ? "Réponse : Il y a un nombre considérable de travaux disponibles concernant la magnétoaérodynamique. J'ai reçu une bibliographie de la NASA avec plus de 3.000 références. La référence 39 contient le résumé de plus de 300 publications traitant des interactions entre véhicules et plasmas. Une bonne partie de ce travail est secrète car le nez des ICBM est entouré de plasma. En tous cas, il y a un corpus technologique que j'ai étudié et qui me conduit à croire qu'une approche entièrement nouvelle pour la propulsion à grande vitesse dans l'air et dans l'espace pourrait être développée, en utilisant les interactions entre les champs électriques et magnétiques avec des fluides conducteurs adjacents aux véhicules pour produire une poussée ou une sustentation ("thrust or lift"), et réduire ou éliminer d'autres problèmes de vol hypersonique tels que la traînée ("drag"), le bang sonique, l'échauffement, etc. Ces notions sont basées sur la technologie existante, telle que celle figurant dans les références 40 à 49, bien que l'on puisse s'attendre à ce qu'un effort considérable de développement soit nécessaire" (Friedman 1).



Schéma du sous-marin MHD de l'ingénieur S. Way, conçu en 1964 et essayé avec succès en 1966

  Dans cette communication de 1968, Stanton Friedman signalait aussi que des essais de MHD dans l'eau avaient déjà été réalisés avec succès dès 1966. Cela est rapporté également dans le livre Ovnis : la science avance : il s'agit du sous-marin MHD de l'ingénieur S. Way de Westinghouse qui avait été conçu en 1964 et essayé avec succès en 1966 dans la baie de Santa Barbara en Californie (Bourret, Velasco 1, pp. 171 à 173). Friedman explique également que le concept de propulsion aérienne est une extrapolation logique de la MHD aquatique :
"Question 24 : peut-il y avoir une relation entre un sous-marin EM et un ovni ? "Réponse : Le sous-marin électromagnétique du Dr Way qui, incidemment, est silencieux et serait très difficile à détecter à distance, est directement analogue au type d'appareil aérien que j'envisage, excepté que la forme de l'appareil serait plus que probablement lenticulaire et que l'eau de mer, servant de conducteur électrique, serait remplacée par un plasma électriquement conducteur d'air ionisé". Stanton Friedman avait déjà exposé ces idées dans un article de la revue Astronautics & Aeronautics de février 1968, dans lequel il concluait :
"Une étude de la littérature et une extrapolation de la technologie existante suggèrent que, moyennant un effort considérable, une approche EM entièrement nouvelle pourrait être développée pour le vol hypersonique qui, par bien des aspects, dupliquerait les caractéristiques des ovnis".
Résumons-nous : point n'était besoin d'une lettre ummite pour évoquer l'idée de propulsion de MHD pour aéronef en 1968 (et encore moins en 1975). On peut remarquer au passage que le terme "Magnétoaérodynamique", employé par Stanton Friedman, était plus approprié que MHD pour des véhicules aériens, mais le sigle "MAD" n'aurait pas été du meilleur effet ! J'espère qu'on ne va pas insinuer que Friedman avait reçu une lettre ummite et l'avait copiée. Pourtant, c'est bien ce qu'a suggéré Jean-Pierre Petit pour le grand physicien russe Andreï Sakharov et son hypothèse de l'univers gémellaire d'antimatière.  

L'univers parallèle d'antimatière

La théorie des univers jumeaux est la pièce maîtresse des "révélations" ummites. Jean-Pierre Petit en parle dès les première pages de son premier livre sur Ummo, Enquête sur des Extraterrestres qui sont déjà parmi nous :
"Dans un paquet de feuilles rapportées d'Espagne en 1976, je lus, dans les textes reçus par Sesma en 1962, une description de l'univers dont je n'avais jamais entendu parler. Il n'y aurait pas un univers, mais deux : deux feuillets gémellaires" (Petit 1, p. 47).
La date de 1962 est sans doute une erreur car Sesma a indiqué dans son livre paru en 1967 la date du 11 mars 1966 pour la lettre qu'il avait reçue, évoquant cette théorie. Cette date est également citée par le Père Guerrero dans un livre paru en 1979 (Guerrero 1, p. 420). En fait, selon les extraits de la lettre cités dans ces livres, 1962 est la date à laquelle les Ummites prétendent avoir écrit à l'"Observatoire de Pasadena" (en Californie) pour attirer l'attention des Américains "sur l'existence de forces et sur la nature de leur genèse, c'est-à-dire la présence d'un champ d'influences extracosmiques ("un campo de de influencias extracósmicas"), mais les scientifiques terrestres interprétèrent ce message comme étant rédigé par ce qu'on appelle des farceurs ("bromistas").
Retenons ici que la notion d'univers jumeaux apparaît dans une lettre de1966, où ils sont dénommés WAAM et UWAAM par les Ummites. Mais la question se complique car la même lettre "révèle" aussi qu'il y a une infinité d'univers jumeaux :
"…Aujourd'hui, nous savons qu'il n'existe pas un seul Cosmos (le nôtre), mais un nombre infini de "PAIRES" DE COSMOS" ! Il faut avouer que, là, le vertige nous saisit. Mais ce n'est pas tout. On y apprend encore que l'espace a dix dimensions : "Notre Cosmos est ce vous appelez un "continuum" espace-temps (nous avons dû employer dix dimensions pour le définir mathématiquement)".

Il n'est pas indifférent de rappeler ici que la notion d'espace à dix dimensions a été proposée dans des versions de la théorie des "supercordes", qui sont apparues à peu près à cette époque. Le physicien américain Michio Kaku (d'origine japonaise) raconte, dans son superbe livre Hyperspace, la genèse de cette famille de théories hautement complexes, qui sont maintenant étudiées dans les plus grandes universités. Elle fit ses débuts en 1968, formulée par deux jeunes physiciens, Gabriel Veneziano et Mahico Suzuki.
Il faut reconnaître que l'évocation d'un espace à dix dimensions dans une lettre ummite de 1966 a de quoi surprendre, mais il faut se rappeler que l'histoire de la physique théorique est remplie de toutes sortes de spéculations fondées sur des modèles mathématiques. L'idée d'un univers à cinq dimensions (avec une quatrième dimension spatiale) avait déjà été proposée en 1919 par un jeune mathématicien allemand, Theodore Kaluza. Il avait écrit à Albert Einstein, mais celui-ci avait rejeté sa théorie. Kaluza, très déçu, avait abandonné ses recherches et était devenu…ingénieur des chemins de fer ! En 1926, sa théorie avait été reprise et améliorée par un autre mathématicien, Oskar Klein, mais il fallut attendre les années 60 pour qu'elle renaisse pour de bon (Kaku 1, pp. 99 à 107, et 160).

En bref, on trouve dans cette lettre ummite "à boire et à manger" pour un amateur de spéculations hardies. Il n'est pas impossible que les vrais auteurs de cette lettre aient puisé dans ce vivier de spéculations tout à fait terrestres. Curieusement, Jean-Pierre Petit, alors qu'il s'est lancé à fond sur la théorie gémellaire, rejette avec mépris cette théorie des supercordes, qu'il accuse même, sur son site web, d'escroquerie intellectuelle. Mais revenons aux univers jumeaux.
Jean-Pierre Petit raconte qu'il fut profondément intrigué, notamment par l'idée que la flèche du temps était inversée. Dans une autre lettre, il trouva le concept d'univers en miroir, "énantiomorphe", et il exploita dès 1977 ces idées dans une note aux Comptes Rendus de l'Académie des Sciences de Paris, intitulée "Univers énantiomorphes à temps propres opposés".
Or, il découvrit plus tard avec étonnement qu'un travail semblable, parlant d'univers gémellaire fait d'antimatière, avait été évoqué par le physicien russe Andreï Sakharov dans un texte de 1967, publié en français en 1984 par les éditions Anthropos (Petit 1, p. 49 et p. 172). Ce livre rassemblait les écrits scientifiques de Sakharov, de 1947 à 1980. Le texte auquel Petit fait référence est daté effectivement de 1967 (Sakharov 1). Le point de départ du grand physicien russe était que le big bang aurait dû créer autant d'antimatière que de matière, or on ne la trouve pas dans l'univers connu : c'est "l'asymétrie baryonique de l'univers". D'où l'hypothèse que l'antimatière est peut-être le constituant d'un univers "parallèle".



Le livre de Sakharov, traduit en français en 1984

Ne fallait-il pas en conclure que cette théorie "ummite" était d'origine on ne peut plus terrestre ? Mais Petit a retourné l'argument, en émettant l'hypothèse audacieuse que Sakharov avait peut-être eu connaissance de cette théorie...dans une lettre ummite ! C'est alors que, providentiellement, selon une lettre que Petit dit avoir reçue, les Ummites révélèrent qu'ils avaient effectivement adressé des lettres à des scientifiques soviétiques.

Jean-Pierre Petit a même supposé que c'est après avoir eu connaissance des textes ummites que Sakharov avait soudainement changé de cap politique : le "père de la bombe H soviétique", savant émérite du régime, était devenu un dissident ! En réalité, il suffit de consulter un bon livre sur la vie de Sakharov pour vérifier que cette thèse ne tient pas debout. Par exemple, dans le livre Sakharov parle, collection de textes de Sakharov publiée en 1974 aux éditions du Seuil et préfacée par Harrison Salisbury, celui-ci explique clairement que l'évolution de Sakharov commence à se manifester en 1957-1958. C'est en 1958 qu'il commence à s'occuper des problèmes politiques et sociaux. En 1961, puis de nouveau en 1962, il s'oppose en vain à des essais nucléaires atmosphériques, et commence à être très mal vu par le pouvoir politique. Il multiplie alors les protestations publiques. C'est en 1966 que Sakharov signe, avec vingt-quatre autres personnalités, une pétition adressée à la direction du parti communiste, l'adjurant de ne pas réhabiliter Staline. Son évolution eut pour résultat de le faire rétrograder de plusieurs échelons dans la hiérarchie scientifique (Sakharov 1, pp. 13 à 28).
En bref, il est faux que cet homme d'un courage exceptionnel ait changé de cap politique brutalement, avec ou sans lettre ummite. Une conséquence paradoxale de sa rétrogradation fut que, n'ayant plus accès au plus haut niveau de secret, Sakharov put de nouveau publier ses travaux dans les journaux scientifiques : deux articles en 1965, deux autres en 1966, deux autres encore en 1967. Ces articles figurent dans son livre publié en 1980.  

L'inflation cosmologique, théorie dépassée ?

Une autre révélation scientifique des Ummites serait la théorie cosmologique de l'inflation. Cet argument apparaît sous la plume de Bertrand Lebrun, élève et ami de Jean-Pierre Petit, avec qui il avait préparé sa thèse de doctorat en physique. Dans une lettre à la revue Ovni Présence (numéro 49, novembre 1992), Lebrun prenait la défense du dossier Ummo, en réponse au dossier "Les Ummites pris au piège" publié par cette revue (numéro 47, mai 1992). Il citait une lettre ummite adressée à Fernando Sesma en février 1966 :
"Ainsi, la mesure que vous faites de l'âge de l'univers est inexacte car vous utilisez comme paramètre cette pseudo vitesse V2 (au carré) constante. Ainsi, en plus du fait que si maintenant la vitesse V2 est presque constante, dans les premiers temps de la création, l'accélération (fonction sinusoïdale) arriva à avoir une énorme amplitude".

Ce qui signifie, selon Lebrun, que l'univers a dû subir une expansion très importante à ses débuts, comme le dit la théorie de l'inflation cosmologique. Rappelons que, selon cette théorie élaborée au début des années 80 par l'Américain Paul Guth et le Russe Andreï Linde, une fantastique expansion aurait eu lieu, juste après le big bang, au tout début de l'univers. Elle avait été très bien accueillie à l'époque car elle apportait peut-être des réponses à des questions non résolues dans la théorie du big bang : l'uniformité du rayonnement cosmologique, et l'apparente "platitude" de l'univers. Cependant, cette théorie n'expliquait pas comment les galaxies avaient pu naître dans un univers aussi uniforme. Or les mesures du rayonnement "cosmologique", réalisées par le satellite Cobe (Cosmic Background Explorer : explorateur du fond de ciel cosmique) en 1992, ont révélé l'existence d'infimes variations dans ce rayonnement cosmologique, qui pouvaient être à l'origine de ces "irrégularités" que sont les galaxies.
Ces mesures semblaient donc conforter la théorie du big bang et de l'inflation. Ainsi, expliquait Lebrun dans sa lettre de 1992, la théorie de l'inflation, formulée en 1980 et consolidée en apparence par les nouvelles observations, avait été révélée dans une lettre ummite de1966 : "c'est comme si quelqu'un donnai
t discrètement la solution à un problème qui ne s'est pas encore posé et qu'il faille attendre 15 ans pour que le milieu scientifique perçoive que la question est primordiale et 25 ans pour que l'on découvre que la réponse était bonne !!!".

Alors, tenons-nous là un argument décisif sur l'origine extraterrestre des lettres ummites ? Malheureusement, sans entrer dans les arcanes des théories cosmologiques, nous savons que cette théorie de l'inflation a perdu du terrain ces dernières années, et que la théorie du big bang elle-même, qui n'a jamais fait l'unanimité, doit faire face à des critiques persistantes. Sans être un scientifique de "haut niveau", on peut s'en faire une idée dans la presse de vulgarisation de ces dernières années. Par exemple, dans la revue Ciel et Espace, qui titrait déjà en octobre 1993 : "Big bang. Les astronomes qui n'y croient plus", et en mai 1999 "Faut-il brûler le big bang ? Les astronomes répondent".
En lisant ce genre d'articles, on s'aperçoit que la cosmologie est riche de nombreuses hypothèses et théories alternatives, dont la plus connue sans doute reste celle de l'astronome britannique Fred Hoyle, mort récemment, qui avait proposé un modèle d'univers stationnaire en 1948, avec ses collègues Bondi et Gold. Dans le numéro d'octobre 1993, Jacques Demaret, maître de conférences à l'Institut d'astrophysique de l'université de Liège, et cosmologiste réputé, en citait quelques-unes dans son article "Quelles alternatives au big bang ?". Il laissait percer son scepticisme en évoquant les "contorsions théoriques auxquelles doivent se livrer les cosmologistes pour tenter de lui greffer une phase inflationniste très précoce (vers 10 puissance -35 secondes), capable de rendre compte à la fois de l'isotropie extrême du rayonnement cosmique de fond et de ses petites fluctuations de température, traces de grumeaux proto-galactiques qu'a récemment détectées le satellite Cobe" (Demaret 1).

Dans le "dossier cosmologie" publié par la revue Pour la Science de mars 2001, James Peebles, professeur "émérite" à Princeton, résumait la situation dans un tableau synthétique sur les principales théories cosmologiques. Sur cinq théories, celle de l'inflation y était classée en dernier, avec la mention "insuffisant" et ce commentaire : "Théorie élégante, mais qui ne repose sur aucune preuve directe, et qui impose une extrapolation énorme des lois physiques".
En l'occurrence, il se trouve que Jean-Pierre Petit a proposé lui-même une théorie alternative fondée sur une variation des constantes fondamentales au début de l'Univers, qui rend inutile l'hypothèse d'une phase d'inflation. Cela figure sur son site internet, dans le résumé de sa communication en anglais au colloque de Marseille en juin 2001 : "The theory of inflation is no longer necessary".
En fait, il le laissait déjà entendre dans un texte intitulé "The missing mass problem", publié en 1994 par la revue Il Nuovo Cimento, et figurant en annexe de son livre Le mystère des Ummites. Il y écrivait ceci, qui se passe de traduction : "This constitutes an alternative to the theory of inflation" (Petit 2, p. 335). Pauvres Ummites : étaient-ils déjà dépassés ?
En bref, dès que l'on s'informe un peu sur ce vaste domaine des théories de physique fondamentale et de cosmologie, on est frappé par le foisonnement des idées en compétition, et l'on se dit qu'il vaudrait mieux garder l'esprit ouvert. C'est justement ce que recommande James Peebles :
"La recherche est un champ d'activités complexe et foisonnant, et même les spécialistes ont parfois des difficultés à avoir une vue d'ensemble. Dans ces conditions, comment peut-on trier le bon grain de l'ivraie ? On doit surtout se donner la peine de prendre connaissance des différents courants de pensée, ne pas se limiter à une seule opinion" (Peebles 1).



Le second livre de Jean-Pierre Petit, paru en 1995

De même, l'astrophysicien français Jean-Claude Pecker écrit, dans sa préface au livre de Jean-Pierre Petit On a perdu la moitié de l'univers :
"A travers des milliers de cosmologies alternatives qui naissent actuellement, il sera sans doute possible de construire, prenant une idée là, une autre ici, quelque cosmologie future irréprochable et cohérente" (Petit 5, p. 12).
En revanche, Jean-Claude Pecker, dans la même préface, n'est pas tendre pour les spéculations ummites de l'auteur : "…qu'il s'agisse d'un canular volontaire de Jean-Pierre Petit, ou des inventions issues d'une crise de schizophrénie momentanée, je ne crois pas aux visiteurs venus d'ailleurs…pas du tout ! Et je n'en dirai pas plus" (Petit 5, p.9).  

La question du ralentissement des sondes spatiales

Un nouvel argument scientifique est apparu en 2001, celui du ralentissement des sondes spatiales. La revue Sciences et Avenir de juillet 2001 révélait que les scientifiques américains de la NASA et du JPL (Jet propulsion Laboratory) étaient intrigués depuis plusieurs années par un phénomène non expliqué de ralentissement des sondes spatiales s'éloignant du système solaire, comme si elles étaient freinées par une force inconnue. Cela pourrait être expliqué, selon la revue, dans le cadre de la théorie de l'univers jumeau d'antimatière développée par Jean-Pierre Petit dans son livre On a perdu la moitié de l'univers (Petit 5).
Les partisans de l'authenticité des lettres ummites ont évidemment souligné que Petit avait élaboré sa théorie de l'univers gémellaire à partir de ces lettres apparues dans les années 60, évoquées plus haut. S'y ajoutait une lettre que, dans son livre Le mystère des Ummites, Petit dit avoir reçue en 1992. Cette lettre déclencha chez lui toute une réflexion, notamment à partir d'une phrase énigmatique, en forme de rébus : "Ainsi nous pouvons dire que la masse du cosmos gémellaire est nulle et non nulle" (Petit 2, p. 103). Petit en déduisit que l'univers jumeau d'antimatière se comportait comme s'il avait une masse négative, qui aurait un effet gravitationnel répulsif au sein de notre univers de matière. D'où l'explication possible du freinage des sondes spatiales, traversant une zone où serait présent l'univers d'antimatière.

Là-dessus, se pose à nouveau la question délicate de l'antériorité. Pour les partisans de Ummo, pas de doute, le livre de Petit On a perdu la moitié de l'univers étant paru en 1997, il a six ans d'antériorité sur la publication de cette information en 2001, et la lettre de 1992 en a neuf ! Cependant, il ne faut pas confondre la date de vulgarisation médiatique d'une information avec la date de sa découverte. L'article de Sciences et Avenir précisait que le chercheur Slava Turquey, de la NASA et du JPL, réfléchissait au problème depuis huit ans, donc depuis 1993. Nous ne sommes pas loin de la date de la lettre ummite. De plus, les premiers lancements de sondes destinées à sortir du système solaire remontent à 1972 et 1973, et leur ralentissement, alors qu'elles commençaient à quitter le système, a dû se manifester une dizaine d'années plus tard, soit au début des années 80. On ne peut donc exclure que l'auteur anonyme de cette lettre de 1992, ait été au courant de l'étrange phénomène et ait songé à en tirer parti habilement ! Quant à l'argument selon lequel les lettres ummites parlant d'univers gémellaire remontent aux années 60, nous avons vu qu'elles sont à peu près de la même époque que la théorie du grand physicien Sakharov. Encore une fois, la question est : qui a copié qui ?  

Pseudo révélations politiques : alerte nucléaire, Sida et guerre du Golfe

Les lettres ummites ont fait, au fil des années, un certain nombre de révélations et de prédictions dans le domaine politique et militaire. Celles-ci sont-elles plus convaincantes que ce qui précède quant à l'origine extraterrestre de ces lettres ? Plusieurs prédictions concernaient le risque de guerre nucléaire, comme celle qui fut faite en 1973. La lettre, reproduite par Godelieve Van Overmeire sur son site internet, annonçait même le départ des Ummites :
"Le message que nous remettrons devra se conserver jusqu'au vingt janvier de 1974, et si nous ne sommes pas revenus sur Terre vous l'ouvrirez et vous le donnerez à connaître à vos frères intéressés. …/…Tous mes frères abandonneront la Terre entre le 29 octobre et le 15 novembre. La probabilité de retour est de 65,14 pour-cent". Soulignons au passage l'admirable précision à quatre chiffres ! Godelieve Van Overmeire commente la suite:
"Le document joint était bien entendu un message codé pour que les élus du groupe de Madrid puissent aller se réfugier dans un souterrain aménagé par les Ummites, en vue de l'imminence de la guerre atomique".
"le 8 janvier 1974 (A 113 – D. 112) , le Dr Juan Aguirre Ceberio reçoit une lettre d'adieu avec des remerciements pour presque chacun des membres du Groupe . Les ummites y disent qu'ils fuient le danger nucléaire terrien. "Il faut cependant croire, que le danger n'est pas aussi pressant que cela, car le même destinataire recevra une nouvelle missive le 22 janvier 1974 (A.114) parlant de tout autre chose ! "



Le second livre d'Antonio Ribera, paru en espagnol en 1979, et en français en 1984.

De son côté, Antonio Ribera rapporte, dans son livre Les Extraterrestres sont-ils parmi nous ?, un autre épisode analogue. En 1974, le groupe de Madrid reçut un message le prévenant que les Ummites allaient quitter la planète car le danger de guerre nucléaire avait atteint le seuil critique de 28 %, à cause du conflit israélo-arabe. Les Ummites révélaient pourtant qu'ils disposaient de trois abris antiatomiques en Europe : en France, en Yougoslavie et en Espagne. En revanche ils les mettent à la disposition de leurs fidèles, en cas de conflit, en imposant cependant des conditions draconiennes : ils pourraient emmener quelques parents, mais les personnes âgées, les femmes enceintes et les enfants en bas âge seraient exclus ! Comment les heureux élus seraient-ils prévenus, et informés pour s'y rendre ? Les Ummites expliquaient qu'ils avaient réussi à infiltrer un agent dans les bases de missiles aux Etats-Unis et en URSS. "Quand les agents auraient la certitude d'une attaque nucléaire imminente, ils téléphoneraient à un troisième agent de Bilbao en lui communiquant cet innocent message : "Ta tante Marguerite est très malade" (Ribera 5, p. 37).

Antonio Ribera avoue dans son livre que ce message les avait d'abord angoissés, mais que l'invraisemblance du scénario les avait finalement rassurés :
"D'autre part, l'idée qu'un agent infiltré, par exemple dans le SAC (Strategic Air Command) nord-américain, qui, au moment de l'"alerte rouge", demande rapidement la permission à ses supérieurs de téléphoner à Bilbao, est finalement absurde et proche de l'opérette. Et il fallait multiplier les difficultés par dix pour le cas de l'agent soviétique. Toutes ces réflexions, il faut bien le dire, diminuèrent considérablement notre angoisse initiale" (Ribera 5, p. 38).
Ce scénario fait aussi penser à la célèbre scène du film Dr Folamour, où le commandant adjoint de la base aérienne essaie de se procurer des pièces de monnaie pour téléphoner à l'extérieur, en fracturant un distributeur de boissons. Alors que la planète risque de sauter, un sous-officier le prévient sévèrement : "Vous en répondrez devant la compagnie Coca-Cola!".

Nouvelle alerte, dans une lettre du 30 janvier 1988, reçue par l'ufologue espagnol Javier Sierra :
"UMMO PREPARE UN PLAN DE SAUVETAGE POUR OYAGAA
"PREMIEREMENT : construction en divers points de la Terre de bases souterraines étanches et autonomes en oxygène, eau, énergie et produits d'alimentation. De telles installations furent conçues pour servir de refuge à nos expéditionnaires et à un contingent réduit de terriens et pour assurer leur survie face à une attaque généralisée avec des armes à plasma, nucléaires et biotechniques, y compris pendant toute la période postérieure de risque d'agression physique et biologique de la part du milieu contaminé (environ 500 jours terrestres)."
La construction de tels abris était encore d'actualité à l'époque, notamment en Suisse. On ne savait pas, en 1988, et les Ummites non plus, que le mur de Berlin allait tomber un an plus tard, signalant la fin de la "guerre froide" !

L'une des "prédictions" le plus souvent mises en avant pour authentifier les lettres ummites est celle de la guerre du Golfe. Rappelons que les Américains et leurs alliés déclenchèrent leur attaque le matin du 16 janvier 1991. Godelieve Van Overmeire cite une lettre, répertoriée D.1751, qui fut reçue par Villagrasa et Barrenechea le 14 janvier 1991, annonçant le début des opérations, donc juste deux jours avant, mais Jean-Pierre Petit cite la date du 5 janvier pour cette lettre.
Dès la première page de son livre Enquête sur des Extraterrestres qui sont déjà parmi nous, Jean-Pierre Petit commente une lettre ummite reçue par son ami Rafaël Farriols le 5 janvier, annonçant à l'avance le déclenchement de la guerre du Golfe. "Tout ce qui y était prévu s'est effectivement produit, à quelques détails près", nous dit Petit, avec "bon nombre de détails techniques sur le recours aux missiles de croisière" et sur les cibles prioritaires.
Dans le meilleur style des lettres ummites, le déclenchement y était présenté comme "probable à 98 %, avec une fourchette de dates se situant entre le 12 et le 20 janvier". Cela prouve-t-il l'origine extraterrestre de la lettre ? Petit ne le dit pas, mais du seul fait qu'il cite cela en tête de son livre sur Ummo, il le suggère fortement. Or la question n'est-elle pas plutôt de savoir qui pouvait être aussi bien renseigné sur le plan de bataille américain ? L'état-major américain, bien sûr, mais aussi les pays alliés. Autrement dit, cette "fuite" ummite pouvait venir de pas mal de pays à ce moment-là.



La fausse rumeur du sida

La "révélation" selon laquelle les Américains auraient concocté le virus du Sida en laboratoire, pour décimer les pays pauvres, nous invite à tourner plutôt notre regard vers le KGB. Toujours dans son premier livre sur Ummo, Jean-Pierre Petit évoque des nombreux coups de téléphone des Ummites aux Espagnols, autour de 1989, dont il a pu consulter les notes chez son ami Rafaël Farriols. Un jour, les Ummites expliquèrent, sur question posée par les Espagnols, que le virus du sida "avait été créé par manipulation génétique dans un laboratoire du Minnesota". Ce virus, qui avait été expérimenté au Zaïre, visait à "rechercher des souches virales attaquant une population plutôt qu'une autre. Une arme raciale, en quelque sorte. Pour se faire la main, les chercheurs auraient manipulé ces souches virales bricolées à l'aide de micro-ondes pulsées et les auraient expérimentées sur des singes". Mais, toujours selon les Ummites, l'affaire avait mal tourné : des singes s'étaient échappés, avaient blessé des hommes qu'ils avaient contaminés, répandant ainsi en Afrique la maladie du sida. Et Petit concluait ainsi : "Refermons cette partie du dossier en nous disant que, décidément, les hommes sont vraiment capables de faire n'importe quoi" (Petit 1, pp. 130 et 131).
Or, il se trouve que l'origine de cette pseudo révélation est connue. Voici le résumé des faits, tels qu'ils sont relatés par Jean-François Revel dans son livre La connaissance inutile, paru en 1988 (Revel 1, pp. 293 à 297). Le 30 octobre 1985, le journal soviétique Literatournaya Gazetta citait un journal de New Delhi, The Patriot, paru le même mois, qui faisait une stupéfiante révélation : "le virus du sida était le produit d'expériences en ingénierie génétique faites par l'armée américaine en vue de la guerre biologique. Le virus s'était ensuite propagé à New York, puis dans le tiers monde, transporté par des militaires américains". l'article du journal indien, connu pour être pro-soviétique, "stigmatisait les forfaits américains".
Seulement voilà, un an plus tard, un journaliste indien, Bharat Bhushan, voulut vérifier la source et découvrit que l'article n'avait jamais été publié par le Patriot ! Il publia sa découverte dans un article du journal The Times of India du 19 novembre 1986. Manifestement, l'opération prenait son origine à Moscou et avait un peu cafouillé, mais le résultat fut le même. A cette date, la rumeur avait déjà fait le tour du monde, notamment avec un épais dossier "scientifique", diffusé en septembre 1986 au sommet des pays non alignés, au Zimbabwe. Ce rapport, qui signalait cette fois que des expériences avaient été faites à Fort Detrick dans le Maryland, était signé de deux chercheurs "de l'Institut Pasteur de Paris", qui furent ensuite localisés à Berlin-Est. Jean-François Revel note que la rumeur a eu un grand retentissement dans le tiers monde, et qu'elle a même fait carrière en Europe : elle a été reprise par le journal britannique Sunday Express le 26 octobre 1986, et développée dans un livre français en 1987, dans lequel il était précisé que ce virus avait été conçu pour frapper sélectivement les Noirs ! On peut se demander si le coup de téléphone ummite de 1989, repris malheureusement en 1991 par Jean-Pierre Petit dans son livre, n'était pas inspiré de cette opération de désinformation.

Il convient en revanche de signaler ici que l'hypothèse d'une ressemblance du vocabulaire ummite avec le chinois, formulée par Godelieve Van Overmeire (que l'on peut consulter sur son site internet) semble avoir été complètement réfutée par une nouvelle étude, publiée dans la revue Inforespace en décembre 2001. Cette étude d'un sinologue allemand, Johannes Gehrs, a été traduite en français par le professeur Auguste Meessen. Il faut saluer ce remarquable travail qui met sans doute un point final à cette controverse.  



Qui sont les auteurs des lettres ummites? 

Alors, ces lettres ummites, terrestres ou extraterrestres ? Luis Jordan Peña a affirmé qu'il en était le seul auteur. Il est certain qu'il a participé en première ligne à l'affaire Ummo, mais sa prétention paraît intenable. Qui était derrière lui ? C'est une question beaucoup plus délicate, qui ne semble pas encore vraiment résolue aujourd'hui.

Les aveux de Luis Jordan Peña

Luis Jordan Peña a "tout avoué", en deux étapes à partir de 1992. Les enquêteurs espagnols que j'ai questionnés, Javier Sierra, Vincente Juan Ballester-Olmos, et l'équipe de la revue Cuadernos de Ufologia, semblent vouloir s'en tenir là. Il paraît peu probable, cependant, qu'il ait pu monter tout seul une opération d'aussi grande envergure. Godelieve Van Overmeire, qui a étudié pendant dix ans les lettres ummites, en a retiré l'impression qu'elles avaient été écrites par plusieurs équipes différentes, étant donné les différences de style, et les compétences très variées qu'il fallait réunir pour les écrire : en physique fondamentale, en technologie, en biologie, en sociologie et en métaphysique. Les scientifiques qui les ont étudiées, comme Jean-Pierre Petit, soutiennent qu'elles sont de haut niveau, en dépit de toutes les bêtises dont elles sont truffées. Luis Jordan, avec sa formation moyenne d'ingénieur et de psychologue, ne pouvait en être le seul auteur. Rappelons quand même ses aveux, révélateurs de son état d'esprit.

Alejandro Agostinelli, ufologue argentin (pays où Ummo avait aussi ses partisans) a rencontré Jordan à Madrid le 14 décembre 1991, et lui a remis une liste de questions, auxquelles il a répondu par écrit, le 25 février 1992. Cet entretien a été publié dans les Cuadernos de Ufologia, et la traduction en français est parue dans la revue Phénomèna en mai-juin 1993. Luis Jordan s'y révèle comme un rationaliste pur et dur, pourfendeur du paranormal, après avoir été trompé par une excellente médium spirite dans sa jeunesse :
"Dans mes incursions postérieures pour tenter de démasquer les pièges de la parapsychologie, jamais je n'ai rencontré une intrigante aussi extraordinaire qu'Ester. C'est grâce à elle que j'ai ouvert les yeux sur les supercheries que l'on rencontre abondamment dans toutes les parasciences et que j'ai commencé mon initiation à la prestidigitation".



Luis Jordan Peña, dans son rôle d'expert sur les phénomènes paranormaux, examinant un sujet "hyperesthésique" (Cuadernos de Ufologia)

Luis Jordan emploie les mots les plus durs pour fustiger ces parasciences qu'il déteste et qu'il combat publiquement. Ses défenseurs, dit-il, font partie d'un milieu "sous-cultivé" qui se répand dans la "presse-ordure". Agostinelli lui demande pourquoi il s'est occupé de Ummo et s'est introduit dans le groupe de Madrid. Pour l'étudier de l'intérieur, lui répond Jordan, comme un ethnologue qui va vivre avec les Indiens Jivaros. Il se vante de s'y être fait d'excellents amis : "Tous des écrivains de l'autre bord : occultisme, astrologie, parapsychologie. Ils m'ont accueilli bien qu'ils connaissent mon scepticisme".

Jordan méprise les "démentiels soucoupistes", qu'il met dans le même sac :
"Vous dites que l'ovni-logie est à part ? J'utilise ce terme parce qu'il est plus exact que l'anglicisme déformé "ufologie". Cela fait partie de la paraphysique, une pseudo-science aussi grande qu'un pin, c'est à dire une fausse science pour tromper les naïfs".
Sur l'affaire Ummo, qu'il qualifie d'"obscure et frauduleuse", il se défend d'abord, dans ce premier entretien de 1991, d'avoir écrit lui-même toutes les lettres ummites. Mais son discours est obscur lui aussi. Il évoque l'atterrissage de Madrid comme étant "une simple affaire d'atterrissage d'un prototype supposé américain" qui n'a rien à voir avec "cette fable des soucoupes volantes". Quel était ce prototype américain ? Mystère !

Parmi les membres du groupe de Madrid, il mentionne Alicia Araujo, "l'étrange fonctionnaire de l'ambassade des Etats-Unis". Celle-ci avait été l'une des toutes premières personnes à recevoir des lettres, avec Fernando Sesma. Jordan soupçonne un groupe américain d'être à l'origine des lettres et met en avant deux arguments :
* les lamelles de plastiques, trouvées dans les tubes à Sant Mónica, étaient faites de fluorure de polyvinyle, une fabrication spéciale pour la NASA
* une lettre de 1974 avait annoncé le risque d'une guerre nucléaire, qui ne pouvait être connu que parmi de hauts responsables américains.

Mais les aveux de Luis Jordan rebondissent l'année suivante, et il nie alors cette hypothèse américaine, affirmant être le seul auteur des lettres. Un épisode bizarre, une fois de plus. Après un premier aveu fait par Jordan à Javier Sierra, c'est Rafaël Farriols qui reçoit une lettre le 2 avril 1993, postée de Cuba, lui demandant de réunir à Barcelone les principaux correspondants. Les Ummites veulent que Luis Jordan clarifie la situation en révélant ce qu'il sait d'eux ! Or Jordan, malade, ne peut venir. Il écrit alors une lettre d'aveux complets qui est lue par Farriols à la réunion.

Rafaël Farriols lui-même en fut très affecté, précise Jean-Pierre Petit : "Rafaël avait l'impression d'avoir été pris pour un imbécile. Il appela José-Luis pour lui demander des explications, de vive voix, devant nous. C'est alors que Peña lui fit cette réponse :
- Ne te fâche pas comme ça ! Ce sont les Ummites qui m'ont demandé d'agir ainsi !" (Petit 2, p.227).
Cette "explication" dépassait toutes les limites du supportable. Le résultat, on le comprend, fut un nouveau coup très dur pour le dernier carré des fidèles, qui mit fin pratiquement à Ummo en Espagne. Ainsi, et c'est un point très important à souligner, ce sont des lettres ummites qui brisèrent, notamment en 1985 et en 1993, l'échafaudage qu'elles avaient patiemment édifié. Quelle pourrait bien être l'explication d'un tel comportement ?

Ecartons rapidement l'hypothèse selon laquelle Luis Jordan aurait monté toute cette affaire avec quelques amis, disons une petite équipe scientifique. Beaucoup trop longue, compliquée et coûteuse (songeons seulement aux lettres postées des quatre coins de la Terre). De plus, si Jordan avait eu des complices, pourquoi ne l'a-t-il pas dit tout simplement ? Il n'était pas nécessaire qu'il donne des noms. Ce refus de l'avouer diminuait beaucoup sa crédibilité.  

L'hypothèse américaine

Il y a une explication possible à ces manœuvres suicidaires des lettres ummites, celle d'une opération de désinformation visant à décrédibiliser l'ufologie. Le scénario serait celui du "canular démasqué". Rien de tel, pour démolir un canular, et tourner ainsi en ridicule les ovnis, que de le fabriquer soi-même ! Dans une première phase, on suscite l'attention et l'intérêt, puis, une fois que le public est bien appâté, on casse la belle histoire. On sait très bien qu'il existe aux Etats-Unis des services chargés de la désinformation, du "debunking" des ovnis. Cela avait été recommandé notamment par la "Commission Robertson" en janvier 1953, à l'instigation de la CIA, et l'on a eu maintes occasions d'observer cette politique, mise en oeuvre avec efficacité. En 1989, l'ufologue américain William Moore a avoué, lors du congrès annuel du Mufon, avoir trempé dans une telle manipulation, menée par le service de renseignement (AFOSI) de l'armée de l'Air pour rendre fou l'ingénieur Paul Bennewitz, qui les gênait beaucoup avec ses découvertes près de la base de Kirtland, au Nouveau-Mexique.



Signes ummites figurant dans les lettres

Dans ce contexte, il n'est pas inconcevable que les Américains aient conçu, au tournant des années 60, une opération d'envergure visant les pays hispanophones, jusque là moins touchés par leurs actions. C'était une période beaucoup plus difficile pour eux qu'actuellement, qui avait donné lieu aux fameux "hearings" au Congrès évoqués plus haut, mais la situation avait été maîtrisée grâce aux conclusions négatives de la commission Condon en 1969.
Les forces aériennes américaines disposaient de plusieurs bases importantes en Espagne et pouvaient facilement y héberger une équipe de désinformation pour les actions de terrain, avec l'aide locale d'agents dévoués comme Luis Jordan Peña, rationaliste militant et politiquement proche du pouvoir. Les feuilles de plastique "made in USA" sont un indice fort dans ce sens. On peut supposer d'autre part que la conception des lettres avait reçu l'aide, aux Etats-Unis, de scientifiques de haut niveau. De plus, il leur était facile de faire poster les lettres des quatre coins de la planète. Mais cette hypothèse présente des difficultés, principalement le ton anti-américain, et hostile au régime du Général Franco, qui a prévalu, à partir de la fin des années 70. L'accent était mis notamment sur "la folie de la course aux armements et sur l'irresponsabilité de nos dirigeants" (Petit 2, p. 31). C'est cet aspect troublant qui a fait envisager à certains l'hypothèse du KGB.

L'hypothèse du KGB : le pour et le contre

Cette hypothèse est bien connue en France, pour avoir été mise en avant en 1993 dans le livre Ovnis : la science avance de J.-C. Bourret et J.-J. Velasco, et dans celui de Renaud Marhic, Les extraterrestres qui venaient du froid. Ces auteurs ont souligné que les lettres ummites critiquent d'abord le régime du Général Franco, puis s'en prennent de plus en plus aux Américains. Cela est incontestable dans des lettres publiées par Renaud Marhic (Mahric 2). A l'inverse, la société ummite présente des aspects "communistes" que ne renierait pas le système soviétique. Ces auteurs ont donc supposé que le KGB aurait pu monter toute cette affaire pour faire de la propagande communiste dans la bourgeoisie espagnole, dont faisaient partie les destinataires des lettres.
Cette hypothèse du KGB amène un certain nombre de questions. S'il s'agit d'une opération de propagande soviétique, on ne comprend pas pourquoi le KGB se serait "amusé" à démolir, notamment en 1985 et 1993, ce qu'il avait laborieusement construit depuis 1966 ou avant. A cela, une explication peut être proposée qui ne manque pas de subtilité. Les Russes auraient changé d'objectif vers cette date, ou mieux auraient privilégié un autre objectif, qui était d'appâter des scientifiques occidentaux. Il s'agissait d'obtenir qu'ils leur communiquent leurs travaux, en croyant dialoguer avec les Ummites. Dans cette hypothèse, Jean-Pierre Petit, très convaincu des lettres ummites depuis des années, serait devenu leur objectif principal, et il était habile de mettre hors circuit leur "clientèle" espagnole, pour faire de Petit leur interlocuteur hautement privilégié : celui qui, désormais, allait recevoir les lettres ! Je dois avouer que cette hypothèse me laisse perplexe. Une telle manœuvre, très déstabilisante pour toute l'affaire Ummo, ne risquait-elle pas de détourner même un convaincu comme Jean-Pierre Petit ?

Quel que fut l'objectif, le KGB était-il capable de monter une telle opération ? Oui, affirme Leonid Chebarchine, ancien Directeur de la Première Direction Générale (PGU), et ancien vice-président du KGB, dans un entretien à la revue russe Aura-Z , publiée aussi en français (vol. 1-IV) : "Le KGB était parfaitement capable de monter une mystification de ce calibre. En fait d'intox, il était inégalé". Pour sa part, le rédacteur scientifique de la revue, Alexandre Avchaloumov, tient pour plausible l'objectif d'espionnage déjà évoqué, en faisant étudier par des scientifiques occidentaux - comme Jean-Pierre Petit ! - des idées que les Russes n'auraient pas eu le temps et les moyens d'étudier eux mêmes. Leurs résultats auraient été ensuite récupérés par les services de renseignement soviétiques au moyen de l'espionnage industriel. Mais, reconnaît l'auteur, on ne voit pas très bien pourquoi ils auraient sélectionné l'Espagne et la France pour une telle opération. Cela dit, Jean-Pierre Petit raconte lui même un aspect particulièrement troublant : au début des années 90, s'établit entre lui et les Ummites un mode original de communication : il posait des questions en les tapant sur son ordinateur, et ils répondaient peu après par lettre ! (Petit 2, p. 231). Il faut avouer que cela sent fort l'espionnage et la manipulation.



Leonid Chebarchine, ancien responsable de la Première Direction Générale du KGB  

Sur le contenu des lettres, il faut noter ici un avis discordant d'Antonio Ribera, qui a exprimé son scepticisme. Dans son article paru en 1975 dans la Flying Saucer Review, il se dit frappé, au contraire, par des aspects qui lui font penser à une idéalisation de l'"American way of life" :
"C'est le monde heureux du futur de l'Américain moyen, avec la durée du travail quotidien réduite à trois heures, la maison pleine de gadgets, où la vie est entièrement automatisée et où chacun arbore un sourire permanent. Cela, plus une attitude prude et puritaine vis-à-vis de la nudité, semble pointer vers une origine américaine de ces rapports déconcertants" (Ribera 4-5).

Il n'est pas évident, d'autre part, que la présence de la théorie de Sakharov dans l'une des premières lettres ummites soit une preuve de l'origine soviétique de la lettre. On peut supposer que les scientifiques occidentaux, en particulier les cosmologistes, aient été au courant de certaines de ses recherches. Les communications n'étaient pas complètement rompues entre scientifiques de haut niveau, même en pleine guerre froide. Carl Sagan, par exemple, a raconté ses échanges avec des collègues russes sur la question de la vie dans l'univers, et la possibilité de visiteurs extraterrestres dans le passé. Peut-être, également, des espions scientifiques américains avaient-ils bien travaillé ?

Une objection importante doit être maintenant mentionnée à l'encontre de l'hypothèse soviétique. Comme me l'a souligné l'ufologue espagnol Javier Sierra, la personnalité de Luis Jordan Peña ce colle pas du tout avec l'hypothèse d'une propagande communiste : il était très à droite et proche du régime de Franco. Sur l'hypothèse du KGB, Javier m'a répondu ceci :
"Nous nous déplaçons sur le terrain dangereux des suppositions. Sur votre question, mon impression est que Jordan n'était pas un partisan communiste. J'ai discuté, dans le passé, de très près avec ses deux fils des idées politiques de leur père, et rien n'indique une telle filiation".
Dans ce monde de miroirs déformants qu'est la désinformation sur les ovnis, il n'est pas inconcevable que les Américains, s'ils ont monté toute cette affaire, aient pris soin de brouiller les pistes. Un peu de propagande communiste permettait de masquer l'origine des lettres. L'objectif essentiel était de discréditer les ovnis. Si cette hypothèse est la bonne, on peut dire qu'il a été atteint brillamment ! En France, l'affaire Ummo a bien servi pour tourner en ridicule les ovnis et les ufologues pendant des années.

Il y a peut-être encore d'autres hypothèses à explorer. Pour mémoire, n'oublions pas celle d'une manipulation d'origine extraterrestre ! L'objectif serait, pour des extraterrestres ou même des "entités" d'une autre nature, de brouiller les cartes en ridiculisant l'idée de présence non humaine sur Terre. La question vient déjà à l'esprit à propos de nombreuses "rencontres rapprochées" ou "RR3", dont Aimé Michel avait souligné le caractère souvent invraisemblable, au point qu'il avait parlé d'un "festival d'absurdités" pour la fameuse vague d'observations de 1954. Une telle hypothèse ne peut être exclue, mais il faut souligner, encore une fois, le caractère particulier du dossier Ummo, dont le contenu est très décalé par rapport à toute la "littérature" ufologique. Très différent, notamment, de la plupart des révélations, vraies ou fausses, recueillies par les "channels" et les "contactés". Il est donc bien peu probable qu'il soit de cette nature.

Et voici encore une autre hypothèse : les lettres auraient peut-être changé d'auteurs en cours de route ! Il y aurait eu une première phase d'origine américaine, puis ceux-ci se seraient retirés, en prenant soin de casser l'histoire. Après un temps mort, la place étant libre, une équipe russe l'aurait alors occupée, avec d'autres objectifs ! Jean-Pierre Petit observe d'ailleurs que le contact sembla rompu pendant deux ans au milieu des années 70. Puis il reprit "sur un mode sensiblement différent", les Ummites expliquant alors qu'ils "avaient tout simplement quitté la Terre". Petit remarque également que les Espagnols étaient très préoccupés par le risque de "parasitage" vers la fin des années 80 (Petit 2, pp. 31 et 32).
Après tout, n'importe qui peut prendre sa plume et écrire une lettre ummite, anonyme et sans laisser d'adresse. On peut même imaginer que certaines lettres aient eu encore d'autres auteurs anonymes. Mais arrêtons ici les spéculations et laissons le lecteur se faire sa propre idée sur cette ténébreuse affaire.  

Fin de la seconde partie. Voir aussi l'article "Ummo: Controverses"

Références : à la fin de la première partie


Retour sur l'affaire Ummo Première partie



Retour sur l'affaire Ummo
  Première partie : Les observations et les premières lettres en Espagne
par Gildas Bourdais - Janvier 2002

Avant-propos
J'ai publié cet article une première fois au début de 2002, en deux parties,à la suite de débats, souvent virulents, sur Internet. J'avais voulu y faire une analyse appronfondie de cette histoire, mettant en doute sa crédibilité. Mon article a fait l'objet de critiques violentes, notament de la part de Jean-Pierre Petit et de Jean Pollion. Il s'avère que la polémique n'a jamais cessé depuis. De nouveaux auteurs sont apparus, tels que Christel Seval et Denis Denocla, qui ont encore publié plusieurs livres soutenant l'authenticité des Ummites (rebaptisés par eux Oummites ou Oummains). Je crois donc utile de republier mon article, sans changement,mais en le complétant d'un troisième texte pour donner un aperçu des interminables controverse qui continuent encore aujourd'hui. Je sais que je ne ferai sans doute pas changer d'avis aux partisans les plus convaincus, mais j'espère que d'autres me liront avec intérêt.



L'une des photographies de l'ovni supposé à San José de Valderas, en juin 1967 (vue partielle)  


Une histoire vraie, ou une manipulation ?

  A quand remonte l'affaire "Ummo" ? Le 2 juin 1967, fut annoncée dans la presse espagnole l’observation, la veille, d’un ovni en forme de disque dans la banlieue de Madrid, à San José de Valderas. L'ovni avait même été photographié, et les photos publiées, avec une surprenante rapidité. L'année suivante, en septembre 1968, l’affaire " Ummo " prit corps dans la presse avec les révélations d’un prêtre, don Enrique López Guerrero, citées dans le journal ABC de Séville et reprises dans de nombreux journaux, en Espagne et même à l’étranger. Le Père Guerrero avait reçu de l’ufologue Antonio Ribera, l’un des principaux enquêteurs sur cette affaire, plusieurs lettres censées avoir été écrites par les " Ummites ", des extraterrestres venus secrètement de la planète Ummo (voir la bibliographie : Ribera 4-5). On apprit qu'un groupe de personnes habitant principalement à Madrid recevait depuis un certain temps de mystérieuses lettres rédigées par ces extraterrestres, qui disaient être venus en expédition sur Terre en 1950. Or l’ovni vu dans la banlieue de Madrid était l’un de leurs véhicules spatiaux, dont ils avaient d’ailleurs annoncé la venue quelques jours auparavant ! On retrouvait le même symbole de Ummo - trois traits verticaux barrés d’un trait horizontal - qu'on peut schématiser par ces trois signes )+( , en en-tête sur les lettres, et bien visibles sur le ventre de l’ovni.



Gros plan de l'ovni de San José de Valderas


Dix ans plus tard, les photos de l’ovni furent jugées fausses par deux équipes indépendantes d'experts, en France et aux Etats-Unis. Ce fut un coup très dur pour les partisans d'Ummo, mais qui ne suffit pas à mettre fin à l'histoire. Certains continuèrent à croire aux témoignages sur les observations de Madrid, et c'est pourquoi nous allons examiner cet aspect important du dossier. D'autre part, plusieurs personnes continuèrent à recevoir des lettres "ummites", postées d’un peu partout dans le monde, jusqu’au début des années 90. En tout, ce sont plus de 1 000 pages qui ont été reçues. Il faut donc aussi essayer d'évaluer leur contenu, ou au moins en examiner quelques aspects controversés.
Il faut dire clairement que, après une période d'engouement dans quelques pays, principalement en Espagne et en France, la plupart des ufologues du monde entier ont rangé l’affaire Ummo au rayon des canulars, ou même l’ignorent complètement, y compris en Espagne où l'affaire était née. Invité à une conférence aux Etats-Unis en mars 2000 (à Laughlin, au Nevada), j’avais posé la question devant un public d’au moins cinq cent personnes, très motivées sur les ovnis : " Avez-vous entendu parler des lettres ummites ? ". Seule une personne avait dit oui ! En revanche, ces lettres continuent à intéresser quelques ufologues en France, sans doute en grande partie grâce au soutien que leur a apporté le physicien Jean-Pierre Petit, qui a affirmé dans plusieurs livres et articles (voir notes bibliographiques) que ces lettres contenaient des idées remarquables sur le plan scientifique, et que cela plaidait en faveur de leur origine extraterrestre. Son premier livre sur le sujet, paru en 1991, Enquête sur des Extraterrestres qui sont déjà parmi nous (Petit 1) avait même remporté un gros succès de librairie.
Alors, est-ce une histoire vraie, ou un canular humain, très sophistiqué ? Il y a des raisons de supposer qu’il s’agit d’une opération de manipulation et de désinformation, mais cela n’est pas prouvé, et le doute subsiste sur ses auteurs éventuels. S’agit-il d’une opération montée par le KGB, comme le croient certains (Marhic 1, Bourret/Velasco 1), ou par des services américains, comme se l’est demandé lui-même Antonio Ribera en 1975 (Ribera 4-5), et en France Jean Sider (Sider 1) ? Il y a aussi, nous le verrons, des arguments sérieux en faveur de cette thèse. A moins que des extraterrestres, assez experts en tromperies de toute nature, comme le suggère l’ensemble du dossier ovni, ne soient eux-mêmes les auteurs d'une aussi remarquable supercherie! Les "Ummites" recommandent eux-mêmes aux lecteurs de ne pas trop les croire. Et les convaincus ne manquent jamais de répondre, lorsqu'on les confronte à des erreurs manifestes, que les Ummites les ont sans doute introduites à dessein pour se camoufler… Essayons d'abord de résumer l'histoire de cette affaire compliquée.  

Les premières lettres "ummites"

Le résumé qui suit repose notamment sur les textes des enquêteurs espagnols Antonio Ribera et Rafaël Farriols qui ont été au centre de toute l'affaire (voir bibliographie : livre de 1968 traduit en français en 1975, articles de 1969 et 1975), complétés et recoupés avec d’autres sources.
La date véritable du début de l'affaire Ummo en Espagne est incertaine, ce qui est dommage car il est intéressant de pouvoir dater l'antériorité éventuelle de certaines "révélations". De quand date la première lettre ummite ? On admet en général que la première personne à avoir été contactée par les Ummites était Fernando Sesma Manzano, ésotériste vivant à Madrid, où il était président d’une " Société des amis des visiteurs de l’espace", qui se réunissait régulièrement au Café Lyon, dans une salle en sous-sol appelée "La baleine joyeuse". Sesma était déjà connu comme "contacté" de plusieurs civilisations extraterrestres. La date du 14 janvier 1966 est donnée le plus souvent comme celle du premier contact ummite, par téléphone, suivi d'une lettre. Il avait été appelé par un personnage mystérieux disant s'appeler "Deii 98", et avait été informé de l'atterrissage qui allait avoir lieu dans la banlieue de Madrid, à Aluche le 6 février suivant.



Fernando Sesma (Cuadernos de Ufologia)


Celon certains, Sesma aurait révélé en 1965 à ses amis de Madrid qu’il recevait des lettres ummites depuis trois ans, donc depuis 1962. Curieusement, dans leur livre Un Caso Perfecto paru dès 1968, Antonio Ribera et Rafaël Farriols ne donnent pas de date pour ces premières lettres (Ribera, Farriols, 2). Plus tard, dans sa série d'articles publiés en 1975 par la Flying Saucer Review, Ribera n'a donné qu'une indication sommaire, sans citer le nom de Sesma : "depuis environ 1965, semble-t-il, un groupe d'environ vingt personnes" ont reçu des lettres par la poste (Ribera 4).



Le livre de Ribera et Farriols, Un Caso perfecto", paru en 1968. (Cuadernos de Ufologia)


  Dans les livres de Jean-Pierre Petit, nous trouvons les deux dates déjà citées : janvier 1966 pour les premiers contacts (Petit 2, pp.19 et 20), mais aussi 1962, à plusieurs reprises (notamment Petit 1, pp. 53 et 57). Petit cite en outre la date du 5 mai 1965 pour la lettre reçue par Sesma, décrivant les premiers jours des Ummites sur Terre (Petit 2, p. 153). Il cite aussi la date de 1964, sinon pour des lettres, du moins pour les premiers contacts : "Un certain nombre de Terriens ont été impliqués dans cette affaire depuis les premiers contacts, situés par les Ummites, selon les documents reçus, en 1964" (Petit 2, p. 28). En fait, si l'on se réfère aux enquêtes de plusieurs ufologues espagnols, publiées notamment dans la revue Cuadernos de Ufologia en 1988 et 1994 (Cuadernos 1 et 2), Sesma avait bien reçu des lettres à partir de 1962 (et des appels téléphoniques), mais elles étaient dues à un autre groupe d'extraterrestres, venus de la planète Auco, tournant autour de l'étoile Alpha du Centaure ! Le "représentant" de cette planète Auco s'appelait Saliano. Mieux encore, dès 1961, Sesma recevait déjà des lettres anonymes bizarres, provenant de différentes parties du monde, un mode de communication qui allait être aussi employé ensuite par les Ummites. Curieusement, toutes ces lettres ont été détruites par Sesma (Cuadernos 1, pp. 41 à 45). Ce qui est sûr, c'est qu'à partir de 1966, plusieurs autres personnes ont reçu également des lettres ummites. La majorité d’entre elles vivaient à Madrid, d’où leur nom de "groupe de Madrid ".
Le 6 février 1966, est annoncé dans la presse un premier atterrissage allégué d'ovni à Aluche, dans la banlieue de Madrid. Antonio Ribera, ufologue connu de Barcelone (auteur de El Gran enigma de los Platillos Volantes en 1966, décédé le 23 septembre 2001), écrit au principal témoin, du nom de Luis Jordan Peña, dont il avait vu l'adresse dans un article du 16 février. Celui-ci lui envoie une longue lettre décrivant son observation, et citant d'autres témoins qu'il a trouvés. Au printemps 1967, Ribera fait la connaissance de Enrique Villagrasa Novoa, qui est l’un des destinataires de ces lettres ummites, et du groupe de Madrid dont il fait partie. Ribera commence alors à recevoir lui aussi des lettres ummites, ainsi que son ami Rafaël Farriols, riche entrepreneur de Barcelone (Ribera 4-1).



Antonio Ribera


Peu après, le 1er juin 1967 , a lieu l’observation d’un ovni dans la banlieue de Madrid, à San José de Valderas, suivie d'un atterrissage non loin de là à Santa Mónica, qui sont rapportés dans la presse. Ribera et Farriols, très enthousiastes, enquêtent avec l’aide de membres du groupe de Madrid, en particulier Luis Jordan Peña, qui est le premier à enquêter sur les nouveaux événements. Dans les deux cas, on aurait vu un ovni ressemblant à deux cuvettes collées l’une à l’autre, avec le fameux symbole à trois branches bien visible en dessous. Il y a plusieurs témoins, des photos à San José, des traces au sol et de mystérieux tubes métalliques trouvés par terre à Santa Mónica. C’est un cas qui paraît si remarquable à Ribera et Farriols qu’ils publient en 1968 leur livre Un Caso Perfecto (Ribera, Farriols 2), qui sera traduit en français en 1975 sous le titre Preuves de l’existence des soucoupes volantes.
De son côté, Fernando Sesma a déjà publié dès 1967 son livre Ummo, Otro Planeta Habitado (Sesma 1). Il se pare du titre de " professeur ", abusif, et il a une réputation de spéculateur fantasque. Il avait déjà écrit un livre sur d’autres contacts qu’il disait avoir eu avec des extraterrestres, si bien que son livre sur Ummo n’a guère attiré l’attention. Selon Antonio Ribera, Sesma s’est désintéressé de l’affaire car les lettres ummites étaient trop techniques à son goût. Il préférait s’intéresser à d’autres extraterrestres, comme ceux de la planète Auco, plus élevés selon lui sur le plan spirituel. Ainsi, Sesma a cédé toutes ses archives Ummo à l’enquêteur Rafaël Farriols (Ribera 4-1). En fait, il aurait été écarté par les auteurs des lettres car on le jugeait trop indépendant : il ne cédait pas aux injonctions qui lui étaient faites de ne plus s'occuper que des Ummites ! (Cuadernos 1, p. 51). Quoi qu'il en soit, il ne reçut plus qu'une dizaine de pages en 1967, et plus rien en 1968.



Rafaël Farriols


Parmi les autres "contactés" recevant des lettres de Ummo, figurent l’ingénieur Enrique Villagrasa, dont Farriols et Ribera deviennent amis, et surtout José Luis Jordan Peña (souvent appelé Jordan tout court) qui va prendre de plus en plus d’importance dans toute l’affaire. Luis Jordan est un psychologue d’entreprise qui s’intéresse au paranormal. On l'a vu, il est l’un des principaux témoins de la première observation, à Aluche en 1966. C’est lui également qui va trouver la plupart des autres témoins, pour Aluche ainsi que pour les observations de 1967, à San José de Valderas et Santa Mónica. Il intègre alors le groupe de Madrid, dont il va devenir le président et qui prendra le nom de "Eridani". Luis Jordan est véritablement un pilier de toute l’affaire Ummo. Or il est en fait de tendance rationaliste très dure, hostile aux ovnis et à tous les phénomènes " paranormaux "! Cela est clair dans un entretien qu’il a accordé en 1991 à Alejandro Agostinelli, ufologue argentin travaillant pour la revue espagnole Cuadernos de Ufologia. Cet entretien est paru en français dans la revue Phénomèna de mai-juin 1993 (Agostinelli 1). Puis, en 1993, il a fini par avouer qu'il était l'auteur des lettres ummites ! (Petit 2, p. 225, et Mahric 2). Disait-il la vérité ou continuait-il à tisser des mensonges ? Il semble établi qu'il a au minimum participé à leur rédaction et à leur diffusion, mais le niveau scientifique souvent élevé de ces lettres incite à douter qu'il en ait été réellement l'auteur. Je vais y revenir plus loin, mais commençons par résumer le dossier des observations de Madrid, en rappelant les divers témoins, souvent "découverts" par Luis Jordan Peña.



Luis Jordan Peña (Cuadernos de Ufologia)


  La première observation : Aluche, février 1966

C’est un communiqué de presse de l’agence Cifra qui révèle cette première observation, censée avoir eu lieu le 6 février1966 à Aluche, dans la banlieue sud de Madrid. Entre 20 h et 21 h, "un vaste ovni circulaire", observé par plusieurs témoins, aurait effectué un bref atterrissage dans cet endroit. L’agence Cifra mentionne deux témoins qui semblent indépendants l'un de l'autre : un témoin pour le moment anonyme, et Vicente Ortuño qui a vu l’ovni depuis sa fenêtre (Ribera, Farriols 2, p. 51).
Le témoin " anonyme " était en fait Luis Jordan Peña, qui passait en voiture à ce moment-là. Son adresse est révélée le 16 février dans la revue Porqué de Barcelone qui publie un "entretien fictif" avec Luis Jordan (Ribera, Farriols 2, p. 54). Antonio Ribera, qui ne le connaît pas encore, peut ainsi le contacter et obtenir une longue réponse par lettre.
Jordan lui raconte qu’il  vit approcher un disque dont la couleur, d’abord blanchâtre, passa ensuite au jaune, puis à l’orange. Il arrêta sa voiture, vit l’objet descendre non loin, et il essaya de s’en rapprocher en voiture. Alors qu’il s’en approchait, il vit le disque s’élever rapidement en émettant une lumière "insolite" (Ribera/Farriols 2, Ribera 3). L’objet paraissait avoir de 10 à 12 m de diamètre, et produisait un " son vibrant, régulier et sourd ". Soudain, il disparut, comme s’il s’était "éteint". Trois "projections", en fait des sortes de pieds, étaient apparentes sous l’appareil, ainsi qu’un large signe, assez semblable à celui de Ummo, mais sans barre transversale.



L'ovni d'Aluche dessiné par Luis Jordan


  Jordan raconte que, très impressionné, il a enquêté aussitôt et trouvé d’autres témoins, qu’il a enregistrés avec un magnétophone. L’article de Porqué signalait déjà deux autres témoins, découverts on ne sait comment par Jordan : Mme Maria Ruiz Torres, habitante d’Aluche, qui a vu "un œil gigantesque derrière une vitre", et le berger Juan Jimenez Diaz, qui a vu une porte s’ouvrir et se refermer quand l’ovni a atterri, après quoi il a repris son vol. D'autre part, dans une lettre du 26 février au journaliste Eugenio Danayans, Luis Jordan raconte que, dès son observation sur la route, il est allé à une ferme toute proche, El Relajal, habitée par M et Mme Pelaez Blanco, mais ceux-ci n’avaient rien vu. Or Vicente Ortuño, l'autre témoin se trouvant à sa fenêtre à quelque distance de là, dit avoir vu l’ovni atterrir juste derrière cette ferme en illuminant les alentours (Ribera, Farriols 2, p. 89). Jordan cite aussi un officier d’aviation qu’on ne va pas pouvoir retrouver.
Quels témoins ont pu retrouver Ribera et Farriols ? En fait, à part Luis Jordan, ceux-ci n’ont pu rencontrer que Vicente Ortuño, deux ans plus tard , le 1er juillet 1968, et son témoignage est assez vague. Il leur dit avoir vu de loin l’ovni "en forme de lentille", qui illuminait les alentours, disparaître derrière la ferme, puis réapparaître et s’éloigner en virant au jaune pâle. Il a vu une tache sombre sous le ventre, mais pas le symbole Ummo (Ribera 2, p. 68). Pour les autres témoins cités par Luis Jordan, Ribera et Farriols ont dû se contenter d’écouter les enregistrements qu’il avait fait au magnétophone. Parmi ceux-ci, Mariano de la Heras, propriétaire d’un bar proche, "Le Palencia", raconte que plusieurs clients, dont des soldats employés à une poudrerie proche, ont dit avoir vu l’ovni, mais aucun n’a laissé d’adresse et il est impossible de les retrouver. Amador Gonzales, marchand de chaussures, dit connaître plusieurs témoins de l’atterrissage, mais refuse de donner leurs noms et adresses.



Trace d'Aluche


  En revanche, on a découvert des traces au sol, le lendemain près de la ferme. Un journaliste de Madrid, Antonio san Antonio, intéressé par les histoires d’ovnis, vient les photographier dès le lendemain et publie la photo le 9 février dans un article du journal Informaciones, quotidien du soir à Madrid. Ribera et Farriols ne disent pas comment il a pu être aussi rapide. Est-ce Luis Jordan qui l’a prévenu ? Ce sont trois empreintes rectangulaires de 15 x 30 cm et profondes de quelques centimètres, dans un sol relativement dur. Elles peuvent correspondre aux trois "pieds" décrits pas Luis Jordan. Mais sont-elles authentiques ? On ne sait même pas qui les a trouvées. Dans leur livre Un Caso Perfecto, Ribera et Farriols écrivent seulement : "Le lendemain de l'événement, une foule de curieux vinrent les examiner ; parmi eux se trouvait don Antonio san Antonio, reporter photographe au journal Informaciones qui les fixa sur la pellicule et eut l'amabilité de nous remettre les négatifs dont le lecteur verra la reproduction dans cet ouvrage" (Ribera, Farriols, 2, p. 63).  



Témoins de la trace d'Aluche


Vicente Ortuño, le complice démasqué!

Le seul témoin apparemment indépendant de Jordan était Vicente Ortuño. Hélas, nous savons maintenant qu'ils étaient amis depuis plusieurs années ! Cette amitié entre Jordan et Ortuño est signalée par les ufologues espagnols José Juan Montejo et Carles Berché : lors d'un deuxième entretien avec Ortuño, celui-ci leur a concédé qu'il connaissait Jordan depuis plusieurs années avant 1966 (Cuadernos 2, p. 32). Ceci m'a été confirmé par l'ufologue espagnol Javier Sierra, qui est convaincu que toute l'affaire d'Aluche a été mise en scène par Luis Jordan. Je connais Javier, l'ayant rencontré plusieurs fois comme conférencier au symposium annuel de Saint-Marin, et je tiens ses informations pour crédibles. Voici ce qu'il m'a écrit le 9 octobre 2001, en m'autorisant à le citer :
"L'affaire Ummo est très difficile. Il est exact que je me suis beaucoup impliqué dans son étude, de 1988 à 1994, en découvrant que le cas d'Aluche en 1966, qui est à l'origine de toute l'affaire, était un canular perpétré par Jordan Peña et Mr Vincente Ortuño, les deux témoins du cas. Ils étaient apparus dans la presse comme des témoins indépendants, mais la vérité est qu'ils étaient de très bons amis. J'ai obtenu la confession d'Ortuño dès 1988. Et plus tard celle de Jordan". La second incident, près de Madrid en 1967, est-il plus solide ?

San José de Valderas, juin 1967

Dans un article paru en 1969 dans la Flying Saucer Review et dans Phénomènes Spatiaux (Ribera 3), Antonio Ribera résume ainsi l’incident : le 1er juin 1967, dans une banlieue de Madrid encore assez rurale, " plusieurs personnes goûtaient la fraîcheur de l’air du soir ", lorsqu’elles aperçurent tout à coup un étrange objet en forme de disque qui évolua pendant une douzaine de minutes à très basse altitude. Large d’environ 12 à 13 mètres, il semblait constitué de deux grandes cuvettes accolées, avec sous le ventre le fameux signe Ummo. L’incident fut rapporté dans la presse le lendemain, et José Luis Jordan, nous dit Ribera avec admiration, " ne perdit pas une minute, tant sa hâte était grande, pour aller interroger tous les témoins de cette seconde affaire, qui semblait avoir un rapport si étroit avec la première ". Et voilà de nouveau, en première ligne, Luis Jordan Peña !
Qui sont les témoins de ce nouvel incident ? Dans son article de 1969, Ribera dit qu’ils sont nombreux mais mentionne seulement " une dame dont Jordan enregistra les déclarations", des "rumeurs circulant dans les bars de l’endroit", un "ingénieur qui vit la chose voler le long de la grand-route de l’Estremadure". Il ne donne pas leurs noms et ne dit pas s’il les a rencontrés.
Dans son livre de 1968, il évoque une centaine de témoins et donne plus de détails (Ribera, Farriols 2, p. 97), mais en fait très peu de témoins sont cités. La plupart ne sont connus qu'à travers Luis Jordan, qui les a enregistrés sur son magnétophone, et il ne paraît pas utile à présent de les détailler.
Le doute subsiste sur la question de savoir si certains sont sincères et ont réellement vu quelque chose dans le ciel, mais alors qu'ont-ils vu vraiment ? On ne peut exclure quelque mise en scène, peut-être avec un modèle réduit, comme l'ont suggéré Claude Poher et Jacques Vallée, remarquant qu'il y avait un terrain d'aviation et une école aérotechnique à proximité (Poher 1, Vallée 2, p. 123). Qu'en est-il des fameuses photographies prises ce soir-là ? Elles sont censées avoir été prises par deux témoins qui se trouvaient sur les lieux, tout près l’un de l’autre, et qui avaient chacun un appareil chargé, prêt à fonctionner. Mais ils restent anonymes, et les photos seront dénoncées comme fausses dix ans plus tard !  

Des photographes anonymes

Le premier photographe anonyme prend contact par téléphone avec le reporter du journal Informaçiones, Antonio san Antonio, qui avait déjà photographié et publié avec une grande célérité les traces d’Aluche.



La revue LDLN de juin-juillet 1977


Dans LDLN de juin-juillet 1977, Claude Poher dénonçait les photos truquées Il lui déclare qu’il possède un "document photographique présentant un intérêt exceptionnel", qui est à sa disposition dans un laboratoire photographique, où il peut aller le chercher (Ribera, Farriols 2, p. 98). San Antonio se précipite et y trouve cinq clichés, séparés, qu’il publie dès le lendemain 2 juin au soir dans le journal Informaçiones. On ne sait qui admirer le plus pour leur célérité, le photographe amateur ou le journaliste. L'enquêteur Rafaël Farriols, après un entretien avec le journaliste, supposa que le témoin avait développé le film lui-même dans la nuit. Il l’aurait mal fait, ce qui expliquerait le flou des clichés. Rétrospectivement, sachant maintenant que c’étaient des faux - des maquettes pendues au bout d’un fil - on peut supposer qu’ils étaient flous intentionnellement, pour cacher le trucage.
Le second photographe amateur, nous disent Ribera et Farriols, qui disait s'appeler Antonio Pardo, avait aussi développé ses clichés lui même et les avait gardés chez lui pendant deux mois. "Enfin, il prit contact par téléphone, puis par lettre, avec notre ami Marius Lleget, peu de temps avant la parution de l’ouvrage que celui-ci a consacré aux disques volants" (Ribera, Farriols 2, p. 102). Mais Lleget, qui était très distrait, nous disent Ribera et Farriols, oublia de lui demander son adresse ! Rétrospectivement, on se dit qu’il avait peut-être été bien choisi, et au bon moment.
Le mystérieux Pardo lui envoie aussi, joint à sa lettre, un cliché d’une "petite bande de matière plastique", d'un " fragment de métal tombé, paraît-il, du VED ("Véhicule Extraterrestre Dirigé") lorsque celui-ci avait atterri pour quelques instants à proximité de Santa Mónica, ainsi que deux négatifs de photos prises par lui dans son appartement et représentant le tube métallique et l’élément en plastique" (ibid. p. 102). Il s’agissait de mystérieux tubes métalliques contenant un bout de feuille plastique, découverts non loin de là, à Santa Mónica, où l’engin serait allé se poser brièvement, après avoir été observé à San José de Valderas, où les témoins l'avaient vu s'éloigner vers cet endroit. Mais avant d'en venir à ce curieux épisode de Santa Mónica, franchissons dix années jusqu’en 1977, date à laquelle deux experts indépendants démontrèrent que les photos de l'ovni étaient des supercheries.  

En 1977, la découverte des trucages

Personne ne songe aujourd'hui à défendre l'authenticité des photographies de San José de Valderas. Rappelons comment elles furent démasquées en 1977 par deux équipes indépendantes. En France d'abord, par l'ingénieur Claude Poher, du Centre National d'Etudes Spatiales (CNES) à Toulouse, qui s'intéressait à cette affaire depuis le début des années 70. Il avait étudié des lettres ummites et avait déjà de sérieux doutes sur leur authenticité, comme nombre d'ufologues espagnols. La revue espagnole Stendek avait déjà publié dès 1972 un article jugeant fausses les photos de San José (Stendek 1). En 1976, de nouveaux moyens d'analyse performants devinrent disponibles au CNES, et Poher obtint de Farriols et Ribera le prêt des documents originaux. Les conclusions de son étude, totalement négatives, furent publiées en juin 1977 dans la revue Lumières dans la Nuit (Poher 1) :
"Les résultats des études conduisent à penser que ces clichés sont une supercherie réalisée au moyen d'une petite maquette en plastique translucide sous laquelle on a dessiné le signe )+( à l'encre et que l'on a suspendue par un fil très fin pour la photographier en prenant bien soin de ne pas faire apparaître la "canne à pêche" sur les clichés, ce qui explique les visées anormales".
On avait remarqué, en effet, que les photos étaient cadrées bizarrement, l'ovni étant toujours très décentré, en haut de l'image. Une autre bizarrerie était l'absence totale de personnages au sol, alors que de nombreuses personnes étaient censées se trouver là. Enfin, Poher avait démontré que les deux photographes anonymes ne faisaient qu'un, l'appareil étant exactement au même endroit, monté sur pied à 1,15 m du sol !
Les conclusions de Claude Poher, publiées juste avant la création du GEPAN dont il fut nommé responsable, furent confirmées la même année par l'équipe américaine de William Spaulding "Ground Saucer Watch", très active à l'époque sur l'étude des ovnis. L'analyse sur ordinateur fit apparaître la trace du fil auquel la maquette était attachée (Clark 1, Caudron 1). Signalons aussi qu'une étude faite plus récemment en Espagne par Carles Berché a abouti aux mêmes conclusions (Cuadernos 2).
Cette découverte des photos truquées, en 1977, allait-elle sonner le glas de l'affaire Ummo ? Oui, pour la plupart des observateurs. Non, pour les convaincus qui étaient encore nombreux en Espagne, en France et quelques autres pays. Ainsi Ribera écrivait-il en 1979, dans l'introduction de son livre Les Extra-terrestres sont-ils parmi nous ? (Ribera 5, p. 24) :
"Pas si simple ! Nous ignorons bien sûr la source de ces documents photographiques, mais Poher oublie un peu vite que le cas de San José s'appuie également sur plusieurs témoignages".
C'est la raison pour laquelle il faut évoquer ici, même brièvement, ces fameux témoignages.  

A Santa Mónica : atterrissage et tubes métalliques

Revenons maintenant aux événements de juin 1967 dans la banlieue de Madrid. Peu après l'apparition de San José le soir du 1er juin, des témoins avaient vu l'ovni non loin de là, à Santa Mónica. Certains l'avaient même vu s'y poser brièvement ! Le mystérieux Antonio Pardo, parti sans laisser d'adresse mais toujours bien renseigné, avait donné quelques pistes dans sa lettre à Lleget : le restaurant "La Ponderosa", et quelques noms de témoins à Santa Mónica. Mais c'est Luis Jordan Peña, encore lui, qui avait déjà rencontré les témoins et les avait enregistrés au magnétophone. Par la suite, Ribera et Farriols durent se contenter d'écouter ces enregistrements, pour la plupart d'entre eux. Ils mentionnent quand même dans leur livre trois autres témoins retrouvés par un enquêteur indépendant, mais celui-ci a voulu garder l'anonymat, tout autant que ses témoins : c'est bien dommage pour nous. Admettons cependant que des témoins indépendants avaient vu quelque chose. Il reste à savoir quoi. Or leurs témoignages sont vagues : il ont vu par exemple une lumière orange traverser le ciel avec des étincelles. Il pourrait très bien s'agir d'une fusée éclairante tirée par des complices de Jordan Peña.
Le principal témoin signalé par Pardo et rencontré par Luis Jordan était le patron du restaurant "La Ponderosa ", Antonio Muñoz. Celui-ci a raconté que, alors qu'il préparait la salle pour le dîner, il vit entrer les uns après les autres toute une série de témoins " très excités" (Ribera 3, pp.24 et 25). Ceux-ci lui dirent, chacun à leur tour, avoir observé l’ovni avec son fameux symbole Ummo, un "objet circulaire rouge qui vola au-dessus de leurs têtes et se posa brièvement sur le sol avant de s’envoler de nouveau". Il y a un détail qui ne colle pas : selon Muñoz, les témoins commencèrent à défiler vers 17 h 10 (Ribera, Farriols 2, p. 172), alors que l'observation de San José, précédant celle de Santa Mónica, était censée avoir eu lieu après 20 h ! Détail plus regrettable encore, Muñoz ne nota ni noms ni adresses. Le lendemain, il était occupé et c'est son beau-frère qui alla sur le terrain, où il découvrit trois empreintes rectangulaires, de même forme et de mêmes dimensions que celles d’Aluche. On peut se demander qui les avait faites.
C’est ici que le mystère s’épaissit encore, avec la découverte au sol de petits tubes métalliques. Citons exactement l’article de Ribera dans la revue Phénomènes Spatiaux de décembre 1969 (Ribera 3) :
" Il apparaît qu’à l’endroit de l’atterrissage furent découverts de mystérieux tubes métalliques. Ils avaient moins de 15 cm de long et provenaient, semble-t-il, de l’engin.



Tube métallique de Santa Mónica


Quelques jours après l’atterrissage, señor Muñoz et un certain nombre d’hommes d’affaires de la région reçurent une circulaire signée par un nommé "Henri Dagousset" où l’on pouvait lire qu’ayant appris par la presse espagnole qu’un ovni avait atterri à Santa Mónica et que cet ovni ou soucoupe volante avait laissé tomber des tubes métalliques, lui, ledit Henri Dagousset, éprouvant un intérêt scientifique pour ces tubes, offrait au nom du groupe qu’il représentait 18.000 pesetas pour chaque tube envoyé à son secrétaire, M. Antoine Nancay… ".
La lettre donnait un numéro de boite postale valable jusqu’au 15 juin, ce qui ne laissait pas beaucoup de temps pour répondre. Elle était accompagnée d’une photographie de l’un des tubes avec un croquis et ses dimensions : drôlement bien renseigné, ce mystérieux Monsieur Dagousset ! Disons tout de suite que personne n'a pu le retrouver, et Antoine Nancay non plus, comme l'explique l'ufologue français Hervé Matte, dans un article complétant celui de Ribera. Il avait bien repéré une personne de ce nom dans l'annuaire parisien et l'avait appelé, en compagnie de Joël Mesnard, qui m'a confirmé la chose. Sans résultat : après avoir écouté poliment l'histoire, l'homme s'était borné à répondre platement que ce n'était pas lui, sans aucun commentaire.
Plusieurs petits tubes métalliques furent bien retrouvés par des habitants du lieu, et Farriols put en faire analyser un exemplaire par un laboratoire compétent dont il connaissait le directeur. On découvrit que le métal était du nickel à 99 %, avec des traces de magnésium, de fer, de titane, de cobalt, de silicium et d'aluminium. Un matériau cher à fabriquer, mais pas extraordinaire. Dans le tube se trouvait une petite bande de plastique , frappée du sigle Ummo, qui était du tedlar, un polyvinyle fluoré, plastique très résistant aux intempéries utilisé par la NASA pour protéger les fusées sur les plates-formes de lancement ! (Ribera, Farriols 1, pp. 197 à 206). Sacrés Ummites : ils avaient le sens de la plaisanterie. Ne seraient-ils pas d'origine américaine, par hasard ?  

L’atterrissage annoncé à l’avance ?

Il faut maintenant mentionner un autre aspect troublant du dossier Ummo dont on a fait grand cas, celui de l'annonce à l'avance, dans une lettre ummite, de l'atterrissage du 1er juin. Dans leur livre de 1968, Ribera et Farriols disent que, le 20 mai 1967,  le journal Informacion (dans son édition d'Alicante) avait publié une communication selon laquelle un astronef devait se poser près de Madrid "dans les derniers jours du même mois" (Ribera, Farriols 2, p. 137 de l'édition française). C'était Fernando Sesma, l'homme du "groupe de Madrid", qui avait reçu la lettre et l'avait communiquée au journal. Pourquoi fut-elle publiée dans l'édition d'Alicante et non pas de Madrid ? Mystère ! De plus, il y a une légère incertitude sur le contenu du message, qui devient "entre le 30 mai et le 3 juin", dans l'article de Ribera de 1969 (Ribera 3). Puis l'anecdote évolue encore. Dans son article de 1975, Ribera change curieusement la date de l'atterrissage, qui devient le 10 juin 1967 au lieu du 1er juin (Ribera 4-1). Est-ce une coquille ? Pas du tout, car il répète plusieurs fois cette date en rappelant la lettre ummite qui l'annonçait :
"Le fait déconcertant est que, plusieurs jours auparavant, les mystérieux "gentlemen" de Ummo avaient annoncé à trois de leurs correspondants de Madrid l'arrivée de l'appareil, prévue pour le 10 juin 1967, et avaient même donné, avec une remarquable précision, les coordonnées géographiques du lieu où il atterrirait. Environ quarante personnes, présentes à une réunion au Café León, où elle devaient rencontrer le professeur Fernando Sesma, Président de la Société des Amis de l'Espace, confirmèrent par écrit que, la veille au soir du jour où eut lieu l'atterrissage, ils avaient déjà lu l'annonce de son arrivée".
Et Ribera précise que son ami Farriols possède leur déclaration signée. Le moins qu'on puisse dire est qu'il y a une incertitude sur la date et sur la signification de cet épisode. En revanche, la date du 1er juin, citée dans la presse du 2 juin, semble bien établie pour les événements de Madrid, et c'est un bien curieux trou de mémoire de la part d'Antonio Ribera.  

La lettre du dactylographe

Le 6 juin 1967, donc quelques jours après les observations de Madrid, Enrique Villagrasa reçoit une longue lettre, censée être écrite par le "dactylographe" des lettres ummites, mais celui-ci ne dévoile pas son identité. Il se présente ainsi : "Je suis celui qui tape à la machine les documents dictés par les Messieurs d'Ummo" (texte intégral, en français : voir Ribera 5). Il raconte comment il reçut la visite de deux hommes grands, blonds, à la peau claire, qui dirent être des médecins danois, et lui offrirent une forte somme pour taper des textes "scientifiques". C'est ainsi, dit-il, qu'il devint le dactylographe des Ummites ! Il raconte aussi que l'un d'eux lui prouva son origine extraterrestre en sortant de sa poche une petite sphère métallique qui flotta dans l'air (Ribera 4-1, p. 22).
La journaliste Martine Castello, qui a enquêté en Espagne à la fin des années 80, raconte que les destinataires des lettres ne poussèrent pas très loin leurs recherches pour découvrir l'identité du mystérieux dactylographe. L'enquête fut rapidement abandonnée, et Rafaël Farriols, questionné par Martine Castello, se fit évasif. Mais elle apprit que l'un des enquêteurs du groupe, qui était commissaire de police, "avait reçu un coup de fil des Ummites lui intimant l'ordre de mettre un terme à cette démarche" (Castello 1, pp. 87, 88), à la suite de quoi il "cessa immédiatement l'enquête, sans même prendre la peine de chercher à localiser la provenance de l'appel téléphonique". Cette anecdote est révélatrice de l'état d'esprit des destinataires des lettres, qui étaient dès cette époque complètement aveuglés et avaient perdu tout esprit critique. Le groupe espagnol prenait déjà des allures de secte.

  Quelques points marquants après 1967

Après la période de "lancement" de 1966-1968, la saga de Ummo a continué, fertile en épisodes, surtout dans les années 70-80. Rafaël Farriols est alors devenu le principal correspondant des Ummites, non seulement par lettres mais aussi par téléphone. La voix, enregistrée en novembre 1968, se révèle être synthétique, ce qui évidemment ne prouve rien car on savait faire cela, notamment les Américains, à cette époque. Un appareil générateur de voix synthétique, appelé le "Vocoder", avait été inventé dès 1939 aux Etats-Unis (Cuadernos 2, p.121).

Les réunions en Espagne

En 1971, Rafaël Farriols organise avec son ami Antonio Ribera une première conférence près de Madrid, à laquelle est invité le Français René Fouéré, qui a déjà publié un article de Ribera dans sa revue Phénomènes Spatiaux (Ribera 3), et qui a reçu à son tour une lettre ummite, en français. L'affaire Ummo va-t-elle essaimer en France ? Au début, comme le raconte Martine Castello, les Français sont plutôt perplexes (Castello 1, p.138 et suivantes). Fouéré va à la réunion de Madrid, accompagné d'un biologiste. A son retour, celui-ci, qui a gardé l'anonymat, fait de sérieuse réserves sur le groupe de Madrid, alias Eridani, qui lui semble manquer singulièrement d'esprit critique. Farriols, notamment, "paraît vouer un véritable culte aux Ummites". En outre les Espagnols sont très méfiants, semblant craindre d'être "dans le collimateur d'un service d'espionnage international !". Certains épisodes de cette période leur donnent à penser qu'ils sont surveillés de près par la CIA. D'autre part, des soupçons pèsent déjà sur Luis Jordan Peña, qui est connu pour démasquer les "impostures" des parapsychologues. On a remarqué qu'il est l'auteur de dessins d'un graphisme identique à ceux des lettres ummites, et en plus il est photographe amateur disposant d'un laboratoire à son domicile.

Plusieurs autres réunions ont lieu au cours des années 70-80, dont la plus intéressante à signaler est celle de 1985, à Madrid. Jean-Pierre Petit, qui s'intéresse déjà depuis 1975 aux lettres ummites (et n'a pas été découragé par la découverte des trucages photo en 1977) a participé à ce symposium particulièrement insolite, qu'il a raconté dans son livre Enquête sur des extraterrestres qui sont déjà parmi nous, publié avec un grand succès en 1991. Citons exactement son récit :
"Les quatre principaux contactés, Farriols, Dominguez, Aguir et Barranechea, déclaraient conjointement, vingt-cinq ans après la réception des premiers documents, qu'ils n'avaient jamais cru à leur origine extra-terrestre. Or, nous savions pertinemment que ce n'était pas vrai. Cette lecture eut un effet immédiat. A la pause, la salle se vida aux trois quarts et beaucoup de gens partirent de méchante humeur en disant que c'était un scandale de les avoir abusés de la sorte pendant tant d'années" (Petit 1, pp 120 et 121).
Et les militants de la cause, comment prirent-ils ce mauvais coup ? Dans son deuxième livre sur Ummo, Petit cite une "explication" de Rafaël Farriols, selon lequel "les Ummites auraient alors cherché à restreindre le groupe de leurs "fidèles" pour mener une opération d'une essence différente, axée sur "l'information de l'âme collective terrestre par voie télépathique""(Petit 2, p. 33).
Mais, poursuit Petit, "l'expérience se révéla être globalement un échec. Les gens de Madrid vécurent tout cela très mal". Des contactés de la première heure, comme l'ingénieur Dominguez et le médecin Aguire, se retirèrent, ne comprenant plus rien à cette histoire. Même le dernier carré des fidèles entourant Farriols à Barcelone, tel Barranechea en 1991, se démantela, à la consternation de Farriols.
Que s'était-il passé ? Avec une discipline admirable, les principaux animateurs avaient lu un courrier qu'ils venaient de recevoir, de nature à démolir leur groupe. C'était un coup très rude, désastreux même, pour la crédibilité de toute l'histoire ummite. Pour sa part, Petit se demanda "qui tirait les ficelles de cette histoire et pourquoi". Mais ce n'est pas tout. Il raconte aussi dans son livre que, la nuit dans sa chambre d'hôtel, il se réveilla complètement paralysé mais put apercevoir "des hommes en train de vaquer à je ne sais quelles opérations". Ils virent qu'il était réveillé et lui administrèrent une dose d'anesthétique qui lui sembla être du penthotal. Il se réveilla le lendemain avec une forte migraine et une douleur à l'urètre (Petit 1, pp. 121 et 122). Quel traitement avait-il subi ? Il ne le sait pas.  

Le site introuvable de La Javie

L'arrivée supposée des Ummites sur Terre était décrite dans des lettres de 1967. La première expédition, en provenance de leur planète Ummo, était censée avoir débarqué clandestinement, le 24 mars 1950, près du village de La Javie, lui-même proche de la ville de Digne, dans les Alpes de Haute Provence. Les Ummites donnaient des indications sur l'emplacement de l'atterrissage dans la montagne, où ils s'empressèrent de creuser un abri souterrain, et plusieurs équipes d'enquêteurs allèrent dans les montagnes entourant le village pour tenter de découvrir cet abri. C'était d'autant plus excitant que les Ummites disaient y avoir laissé une partie de leur équipement. Mais en vain. Il était censé se trouver sur les contreforts de la montagne du Cheval blanc, d'où l'on voyait le clocher de la cathédrale de Digne, mais ces indications n'étaient pas assez précises et ceux-ci tournèrent en rond.  



Les montagnes autour de La Javie, vers l'est. A droite, la Crête de la Blache (photo G. Bourdais)


  Jacques Vallée raconte qu'il se rendit à La Javie en 1974, en compagnie d'Aimé Michel et de Fernand Lagarde. Le voyant américain (remote viewer) Pat Price croyait avoir localisé le lieu sur une carte, mais cela ne donna rien (Vallée 2, p. 130). Des enquêteurs espagnols, après avoir vainement cherché sur cette montagne, dénoncèrent la supercherie de Ummo en 1981. Claude Poher étudia lui aussi le site. Les Ummites avaient donné deux distances : à 13 km de Digne et à 8 km de La Javie, et cela correspondait au Col de la Cine, mais de là on ne voyait pas le clocher de la cathédrale de Digne !



Le clocher de la cathédrale de Digne (photo G. Bourdais)


Jean-Pierre Petit fit plusieurs expéditions, au sommet de la Pompe, puis à la crête de La Blache, sans succès non plus. Bref, personne n'a jamais pu trouver ce site mythique.
Certains enquêteurs pensent avoir remarqué des éléments curieux à proximité de La Javie, notamment une route et une ligne électrique sans utilité apparente, mais le lien avec un éventuel site extraterrestre ne semble pas établi de manière évidente. En fait, la ligne électrique relie au réseau une petite usine hydroélectrique. En revanche, on sait que Claude Poher et le GEPAN ont bien enquêté sur les lieux avec l'aide des gendarmes, obtenant même de l'armée de l'Air une photo aérienne de la région. Quant au récit de l'expédition, il vaut son pesant d'or à lui tout seul, et nous allons y revenir plus loin en évoquant les lettres ummites.  



Les montagnes vers le nord-est de La Javie. A gauche, le Sommet de Chappe (photo G. Bourdais).
 

Un intermède russe : Voronej, 1989

Glissons rapidement sur l'épisode de Voronej, en Russie. En septembre 1989, des enfants auraient vu se poser un ovni sur lequel apparaissait le symbole de Ummo. L'incident est annoncé dans la presse en octobre et fait quelque bruit, ce qui conduit Martine Castello et Jacques Vallée à enquêter à Moscou, en janvier 1990. Ils y rencontrent des ufologues de la région de Voronej qui semblent convaincus de l'authenticité du cas (Castello 1, chap. 10). Mais selon l'ufologue russe Boris Chourinov, qui avait participé à l'entretien, le dessin du symbole Ummo était déjà connu des ufologues russes à cette époque, et l'un d'eux l'avait montré au garçon qui avait fait le dessin. En fait, explique Chourinov, c'est toute l'affaire de Voronej qui est elle-même douteuse (Chourinov 1, chap. 19, p. 202).  

En 1991, l'affaire relancée en France

En France tout au moins, l'affaire Ummo a connu un certain retentissement médiatique avec la publication du premier livre de Jean-Pierre Petit en 1991, ainsi que du livre de Martine Castello, La conspiration des étoiles, succès qui provoqua la réédition du livre d'Antonio Ribera, Ummo, le langage extraterrestre. Mais, si l'affaire Ummo devint importante dans le petit monde ufologique français, il faut bien voir qu'elle ne fit que renforcer le scepticisme ambiant sur les ovnis, dans le monde scientifique et intellectuel. Ce point est sans doute important pour tenter de comprendre la signification de cette histoire. Je vais y revenir, mais terminons ce rapide rappel des événements. Alors que, en Espagne et en Italie, les ufologues étaient de plus en plus sceptiques sur cette affaire, sans parler des autres pays qui l'ignorent complètement, elle fut entretenue en France par Jean-Pierre Petit, avec un second livre en 1995, et de nombreux articles, où il a même révélé qu'il recevait encore des lettres ummites. Elle reste encore très présente sur plusieurs sites internet. Tentons maintenant de résumer quelques-unes des critiques qui peuvent être faites sur les affirmations et "révélations" contenues dans ces centaines de pages de lettres ummites.  



Les lettres ummites : quelques critiques

Nombreux sont ceux qui soulignent l'intérêt des lettres ummites, quelle que soit leur origine véritable. En dépit de lourdeurs et de maladresses, elles touchent à de nombreux domaines et contiennent beaucoup d'idées, de nature scientifique ou même philosophique. Il ne s'agit pas de le nier, mais de rappeler ici quelques unes des nombreuses critiques qui se sont accumulées, et qui mettent en doute l'éventuelle origine extraterrestre de ces textes. Le fait est qu'ils contiennent de nombreuses invraisemblances, au point que l'argument souvent mis en avant que ces erreurs sont intentionnelles paraît largement insuffisant pour les expliquer. Quant à l'argument selon lequel les lettres contiennent des données scientifiques complètement originales, inconnues à l'époque, il semble bien court lui aussi.  

La distance très variable de leur étoile

Selon Jacques Vallée, une lettre ummite de janvier 1965 (cette date paraît pour le moins incertaine) révélait l'identité et la distance de l'étoile Iumma par rapport au Soleil : c'était l'étoile Wolf 424, située à 3,68502 années-lumière du Soleil, à la date du 4 janvier 1953. Là, nous nous heurtons à un gros problème, car si cette distance était bien celle que donnaient les catalogues astronomiques depuis 1938, elle avait été révisée à la hausse, étant maintenant estimée par les astronomes à 14,3 années-lumière. Fernando Sesma leur signala l'erreur, sur quoi les Ummites lui répondirent qu'ils avaient donné la "vraie distance", qui "varie grandement d'un jour à l'autre d'après les concepts d'espace-temps découverts par Ummo" (Vallée 1, p. 126). On trouve en effet le paragraphe suivant dans la lettre qui annonce l'arrivée des nefs ummites, fin mai 1967 :
"Distance de Iumma au Soleil - Distance apparente que suivrait un quantum énergétique d'un faisceau cohérent d'ondes dans l'Espace de trois dimensions. Mesurée par nous le 4 janvier 1955 : 14,436954 années lumière.
"La distance réelle Mesurée dans le Cadre tridimensionnel [symbole ummite] à cette même date durant le Plissement [autre symbole ummite] 40 [autre symbole ummite] 45/77/76 : 3,68482 années lumière terrestres" (Ribera 5, p. 103).

Ainsi, selon les Ummites, les deux distances étaient bonnes ! Une "explication" qui tombait bien, extrêmement ésotérique, mais qui devrait mettre la puce à l'oreille de tous les lecteurs scientifiques des lettres ummites. Sans rien savoir de l'astronomie spatio-temporelle, version ummite, on peut se demander comment la première estimation des astronomes terriens, proposée en 1938 par l'observatoire de Yerkes (Caudron 1, p. 193) avait pu coïncider aussi remarquablement avec la distance due à un "plissement" de l'espace-temps selon les Ummites, à la date de janvier 1953 ou 1955 et non pas de 1938. Quelle extraordinaire coïncidence !

Récemment, certains ont fait le rapprochement entre cette théorie ummite des "plissements" de l'espace-temps et le modèle de l'univers "chiffonné", étudié par le physicien français Jean-Pierre Luminet.  Celui-ci a fait un inventaire des diverses topologies théoriques de l'espace, concevables dans le cadre de la physique connue, et il a découvert la possibilité théorique que l'espace soit "chiffonné" au point de créer des images fantômes de lointaines galaxies. Cela pourrait-il expliquer cette énorme variation de distance de l'étoile Wolf, selon les Ummites ?
Dans son livre L'Univers chiffonné, Luminet, évoquant le ciel étoilé que nous pouvons voir à l'œil nu, écarte une telle possibilité :
"…il n'est pas question que l'espace cosmique soit chiffonné sur une aussi petite taille, au point que les étoiles visibles à l'œil nu, toutes situées à moins de cent années-lumière de nous, se montrent en plusieurs exemplaires. Mais si l'on remplace les étoiles par des galaxies lointaines, notre expérience de pensée se justifie pleinement" (Luminet 1, p. 115). Ainsi, ses effets éventuels se situent à des milliards d'années-lumière.  

L'étoile Wolf 424 : deux naines brunes !

Les Ummites ont fait une autre erreur astronomique, cette fois sur la nature de l'étoile Wolf 424. Dans leurs premières lettres, ils la décrivent comme une étoile de type K, autour de laquelle leur planète Ummo décrit une orbite presque circulaire, plus grosse que la Terre et permettant la vie. En fait, cette description ne correspond pas du tout aux observations astronomiques. En premier lieu, l'étoile Wolf 424 a un éclat beaucoup trop faible et beaucoup trop rouge, et donc une température beaucoup trop faible, pour être leur étoile "Iumma".
Dans une lettre reçue par Antonio Ribera en 1969, les Ummites se lancent dans une explication compliquée pour expliquer cette énorme différence : il y a un léger doute pour identifier l'étoile Wolf 424, "due à l'existence d'une accumulation de poussière cosmique très dense", pouvant atténuer beaucoup l'éclat apparent de l'étoile, ce qui crée des difficultés "difficiles à résoudre" (Ribera 5, pp. 46 et 47).
Or, selon les astronomes, il n'y a pas de nuage de poussière important entre Wolf et le Soleil, ce qui fait que cette explication ressemble plutôt à un écran de fumée (Caudron 1, pp. 193 et 194). Certains continuent cependant à laisser cette porte ouverte : peut-être, se demandent-ils, la véritable étoile Iumma est-elle cachée derrière un nuage interstellaire, non loin de Wolf 424 et à la même distance qu'elle du Soleil ? (voir site internet de Alain Ranguis). En attendant une aussi miraculeuse découverte, on peut se demander pourquoi les Ummites, en dépit de leur science si avancée, avaient pourtant désigné dans leurs premières lettres l'étoile Wolf 424. Peut-on se permettre de se tromper ainsi d'étoile quand on pratique la navigation interstellaire ?

Plus sérieusement, on savait depuis de nombreuses années que Wolf 424 est une étoile double, ce que n'avaient pas dit, d'ailleurs, les lettres ummites. Plus récemment, grâce au télescope spatial Hubble, les astronomes ont pu déterminer qu'il s'agissait de naines brunes très proches l'une de l'autre (deux fois la distance Terre-Soleil). Leur masse totale est très faible - 4,2 % de celle du Soleil - et leur rayonnement est non moins faible, ne permettant pas l'existence d'une planète favorable à la vie (voir site internet Ufocom, "Wolf 424 est-elle Iumma ?"). Bref c'est un démenti fort embarrassant qui a été ainsi opposé aux lettres ummites.  

Le problème de leur ressemblance physique avec nous



Si l'on en croit leurs lettres, les Ummites nous ressemblent beaucoup - on ne les remarquerait pas dans la rue - et leur physiologie est très proche de la nôtre, à quelques détails près. Un détail plutôt comique est qu'ils deviennent aphones "vers l'âge de 16 ans terrestres" (Ribera 2, p. 89). C'est typiquement le genre de détail qui devrait éveiller les soupçons, tant il semble destiné à faire rire. Cela dit, nombreux sont ceux qui considèrent cette grande ressemblance comme invraisemblable. En premier lieu, elle suppose que l'évolution de la vie sur la planète Ummo ait été, au cours de plusieurs milliards d'années, quasiment identique à la nôtre, et quasiment synchrone dans le temps. Cela paraît a priori impossible, mais essayons de creuser un peu l'idée. On connaît le phénomène de la "convergence des formes", observée sur Terre, qui devrait favoriser la forme "humanoïde", la plus apte au développement d'une civilisation avancée : un tronc, une tête avec cerveau et organes sensoriels, des membres pour se déplacer et fabriquer. Mais cela ne signifie pas que l'anatomie interne et la physiologie soient forcément identiques ! Les dauphins et les requins, d'apparence semblable, sont des animaux très différents. En revanche, l'idée de panspermie continue à avoir des partisans. Si elle était vraie, il se pourrait que l'ADN que nous connaissons soit répandu dans le cosmos. Cependant, cela n'implique pas forcément que des êtres semblables à nous existent ailleurs, car l'histoire de la vie sur terre montre qu'elle évolue dans toutes les directions et que le hasard y joue un grand rôle.
Une autre hypothèse, que connaissent bien les ufologues, est celle d'interventions extraterrestres dans notre propre évolution, qui nous auraient plus ou moins modelés "à leur image" par des manipulations génétiques. Mais ce scénario, faut-il le souligner, n'a rien à voir avec celui du débarquement d'une petite équipe d'explorateurs ummites, en 1950 à La Javie, qui avaient du mal à distinguer le sexe des humains ! L'hypothèse selon laquelle nous serions "apparentés" à des êtres venus d'ailleurs est une tout autre histoire. Sans insister davantage, disons ici que l'idée de "voisins" très semblables à nous par hasard est hautement problématique. Une solution à ce mystère a bien été proposée par certains, qui semble s'inspirer d'une théorie très spéculative, celle du champ "morphogénétique" du biologiste britannique Rupert Sheldrake, issue elle-même d'idées qui remontent aux années 20 (Sheldrake 1 et 2).
Selon lui, la vie se répand et se copie à distance grâce à une sorte de champ vital qui transmet les informations : cela pourrait-il expliquer que les Ummites, censés être proches de nous dans l'espace et le temps, nous soient si semblables ? Mais cette hypothèse soulève aussitôt un autre problème, celui des nombreux témoignages de rencontres rapprochées, sans parler des enlèvements, qui nous décrivent une foule bigarrée d'êtres humanoïdes très dissemblables, dont certains, au moins, seraient en provenance d'étoiles "proches". Ces êtres si différents viennent-ils de si loin qu'ils ont échappé à l'heureuse influence d'un champ morphogénétique "local" ? Là, nous nous enfonçons dans des spéculations de plus en plus fragiles.  

Le problème de la découverte de la Terre

Le récit de la découverte de la civilisation humaine par la réception d'une émission radio est tout aussi suspect. Dans une lettre de 1967, les Ummites racontent qu'ils ont capté des messages radio émis par un navire norvégien, qui faisait des essais de transmission en morse entre le 4 et le 8 février 1934 sur une fréquence de 413.43877 MHz. Il paraît hautement improbable qu'ils aient pu capter, par hasard, une telle émission, de faible puissance et non dirigée.
Sans qu'il soit nécessaire de citer des chiffres, on sait bien que tous les espoirs actuels de capter des messages extraterrestres supposent que les émissions, s'il y en a, soient dirigées vers nous avec précision, avec une forte puissance, au bon moment, et sur la bonne fréquence d'écoute. Et encore faut-il de puissants radiotélescopes, braqués dans la bonne direction et au bon moment, pour avoir la moindre chance de les capter. Jean Heidmann, le pionnier français de telles écoutes, a toujours admis que les chances de réussir étaient extrêmement minces. Sur le seul problème de la fréquence, Heidmann observe, dans son livre Intelligences extraterrestres, que la "fenêtre SETI (de 1 à 10 GHz) contient cent milliards de canaux (de 0,1 Hz) de communication possibles" ! (Heidmann 1, p. 149).
Dans le même ordre d'idée, on peut aussi se demander comment il se fait que ces extraterrestres "voisins", en avance sur nous de milliers d'années et capables de franchir la distance qui nous sépare en quelques mois, n'aient découvert notre existence qu'au milieu du 20eme siècle. N'avaient-ils pas un programme d'exploration des étoiles proches semblables à la leur, au besoin avec des sondes automatiques, comme nous savons déjà le faire pour les planètes du système solaire?  

La nef ummite : une boîte à sardines !

La description du véhicule spatial des Ummites est l'un des éléments qui m'ont toujours fait craindre le canular dans cette affaire Ummo. Laissons de côté pour l'instant la théorie de l'univers jumeau d'antimatière, qui permettrait de "raccourcir" à six mois ou moins le voyage des Ummites, et voyons un peu la "quincaillerie".
Cette nef ummite est décrite avec beaucoup de détails dans une longue lettre de 43 feuillets, reçue par l'ingénieur Villagrasa le 9 janvier 1968. Celle-ci figure dans le livre d'Antonio Ribera Les Extra-Terrestres sont-ils parmi nous ? (Ribera 5, pp 124 à 181). C'est là que Jean-Pierre Petit va trouver plus tard l'idée de la propulsion MHD.  



Plan de la nef ummite


  La première chose qui frappe, c'est la petitesse de la nef ummite : 13,20 m de diamètre et 4,80 m d'épaisseur (Ribera 5, p. 105). Tout doit tenir dans ce faible volume : les systèmes de propulsion, de navigation, les réserves d'énergie, d'oxygène et de vivres, et surtout l'habitacle dans lequel vont vivre une douzaine d'hommes pendant six mois : une vraie boîte à sardines !
La comparaison s'impose d'autant plus que, lors des phases d'accélération et de décélération, les passagers revêtent un scaphandre et flottent dans une "gelée tixantropique" (en fait, thixotropique) qui les protège de l'accélération (Petit 1, p. 17). En dehors des périodes d'accélération, la gelée est refoulée hors de l'habitacle, lequel est en forme toroïdale et tourne sur lui même de manière à créer une légère pesanteur artificielle (elle doit être bien légère, vu les dimensions modestes de l'habitacle). Leur scaphandre crée aussi une "réalité virtuelle", plus confortable que ce cauchemar de claustrophobe.
Dans cet environnement artificiel, explique Jean-Pierre Petit, "Les passagers seraient nourris par la bouche, à l'aide d'un petit tube. La défécation ne poserait aucun problème. Une capsule serait introduite dans l'anus qui transmuterait automatiquement les fèces en hélium" (Petit 2, pp. 95 et 96).
Notons que la transmutation des éléments, qui se fait chez nous dans de lourdes piles atomiques dégageant de dangereuses radiations dont il faut se protéger par d'épais blindages, semble être un jeu d'enfant sans danger pour les Ummites. En revanche, la nef ummite, par ses dimensions exiguës, ressemble plus à nos premiers véhicules spatiaux qu'à un puissant astronef capable de parcourir d'immenses espaces interstellaires.  

Le débarquement sur Terre

Curieusement, la lettre racontant l'arrivée sur Terre ne figure pas dans le livre de Ribera Les Extraterrestres sont-ils parmi nous ?, consacré pourtant à la présentation des textes ummites. Mais elle est citée largement par Jean-Pierre Petit dans ses deux livres, notamment dans Le mystère des Ummites (Petit 2, pp. 153 à 165). Elle est donc assez connue en France, ce qui permet d'être bref.

Il n'est pas nécessaire d'avoir une haute compétence scientifique pour être sceptique sur certaines affirmations contenues dans cette lettre. Par exemple, il est pour le moins étonnant que leurs équipements ne leur permettent pas de décoder les ondes de télévision (Petit 2, p. 160). En revanche, ils n'ont aucun mal à se creuser un abri, long de 4 mètres à une profondeur de 8 mètres, dès leur arrivée la nuit dans la montagne. Rien de plus facile pour les Ummites : ils fondent la roche et la transmutent en azote et en oxygène ! (Petit 2, p. 159). Mais surtout, leur récit est émaillé de détails comiques dignes des Marx Brothers, comme le reconnaît d'ailleurs Petit lui-même.
On apprend que les Ummites avaient d'abord survolé plusieurs régions. Leurs premières photographies, prises à la verticale de la ville suisse de Montreux, étaient un peu floues (les satellites espions d'aujourd'hui semblent faire mieux) mais elles permirent d'établir la différenciation des sexes, "sur la base de la présence, chez certains individus, de mamelles importantes. Les images n'étaient pas suffisamment bonnes pour donner des détails de l'habillement. Nous découvrîmes cependant la corrélation existant entre le sexe et les cheveux, "les femmes ayant une pilosité crânienne plus abondante"" (Petit 2, p. 155). Or nous apprenons ailleurs que, lorsqu'ils ils firent un raid sur une ferme et anesthésièrent leurs occupants, ils ne purent déterminer leur sexe, "bien que sachant déjà que sur Terre les femmes se laissaient pousser les cheveux" (Petit 1, p. 33). Un peu sous-doués, par moments, ces Ummites.
Dans le même genre, ils ont beau analyser la composition chimique du morceau de savon qu'ils ont volé, ils n'arrivent pas à en déterminer l'usage. Ignorent-ils les propriétés remarquables de cette molécule simple que connaissaient les Gaulois il y a 2000 ans ? Et pourtant, on apprend dans d'autres lettres, consacrées à la vie ummite, qu'ils sont obsédés par l'hygiène et la propreté. De même, ils découvrent près de leur campement une feuille de papier journal souillée, qu'ils examinent dans leur laboratoire, et ils ne comprennent pas à quoi elle a bien pu servir.
La liste des objets volés dans la ferme est digne des Pieds Nickelés. On y trouve notamment un "hygromètre représentant une religieuse" (Petit 1, p. 33. Notons au passage que, dans son second livre, Petit cite, page 163, "un hygromètre représentant la Sainte Vierge" : traduction plus précise ?). On y trouve un "quinquet", qui est une lampe à huile.Une curieuse antiquité, pour des extraterrestres qui semblent capables de transmuter les éléments aussi facilement que nous cuisons un œuf. Plus moderne était le compteur électrique, volé également, qui a été ensuite monté en épingle par les enquêteurs lorsqu'ils ont découvert qu'il y avait eu en effet à cette date un vol de compteur électrique dans une ferme du coin ! Malheureusement, il est toujours possible, dans une opération habilement montée, d'introduire un tel détail "qui fait vrai". Incidemment, il paraît qu'à La Javie résidait une riche famille de la noblesse espagnole. Mais il ne semble pas que l'on ait creusé cette piste pouvant mener vers l'Espagne.  

Le monde des Ummites

La description du monde des Ummites met tout de suite le lecteur très mal à l'aise. Au risque de paraître un peu faible, bornons-nous à citer ici quelques inventions qui plongent dans la perplexité ou l'hilarité. La plus typiquement invraisemblable, peut-être, est le véhicule sans roues. Voici comment Jean-Pierre Petit présente la chose :
"Selon les textes, la technologie de Ummo aurait pris dès son départ un tour systématiquement zoomorphe. Ainsi, dans le passé, les ingénieurs locaux auraient conçu d'emblée d'étranges véhicules munis de pattes, baptisés multipodes" (Petit 2, p. 185). Il est vrai que, ces dernières années, se sont multipliées les études de robots se déplaçant ainsi, mais on sait qu'il s'agit là d'une technologie de pointe en mécanique et en informatique. En matière de locomotion, les Ummites ont vraiment pris le problème à l'envers !

Leur manque flagrant d'esprit pratique apparaît également dans le modèle de la maison-champignon montée sur un pédoncule élévateur, et escamotable dans une cavité du sol : tout aussi difficile à mettre au point, et peut-être dangereuse pour les habitants, car on ne voit pas d'escalier de secours. Que faire en cas de panne de la machine ? Dérouler une échelle de corde ? Tout cela semble sortir d'une bande dessinée de Moebius, ou de Zig et Puce !

 Fin de la première partie Suite : voir la seconde partie « D’où viennent les lettres ?
Voir aussi l'article "Ummo - Controverses"
»


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Références :
Ribera 1 - Article d’Antonio Ribera dans la Flying Saucer Review (FSR) sur l’incident d’Aluche (février 1966) :
" The Madrid Landing " (FSR vol 12, No 3, mai-juin 1966).
Cuadernos 1 - Article de Igniacio Cabria Garcia "Sesma, Saliano, Ummo, la Ballena Alegre", et article de Carles Berché Cruz "Ummo : 20 Años de Paranoia Compartida", dans la revue Cuadernos de Ufologia, numéro 3, Santander, septembre 1988.
Cuadernos 2 - Dossier "Ummo : la Historia interminable". Articles de José Juan Montejo, Carles Berché, José A. Cezon, Luis R. Gonzalez, Alejandro Agostinelli, Renaud Marhic, Boris Chourinov, dans la revue Cuadernos de Ufologia, numéro double 16-17, Santander, 1994.
Sesma 1 - Livre de Fernando Sesma Manzano, Ummo, otro planeta habitado, Madrid, 1967.
Ribera, Farriols 2 - Livre de Antonio Ribera et Rafaël Farriols : Un Caso Perfecto (Pomaire, Barcelone,1968. Réédition en 1973 par Plaza & Janés, Barcelone). Trad française : Preuves de l’existence des soucoupes volantes (Editions De Vecchi, 1975).
Ribera 3 - Article de Ribera sur San José de Valderas et sur Aluche : " The San José de Valderas photographs " dans la Flying Saucer Review (vol 15 No 5, sept-oct 1969).
Traduction en français dans Phénomènes Spatiaux Numéro 22, 4eme trim 69 (déc 69) : " Les photographies de San José de Valderas. Un cas extrêmement bien documenté".
Complété par l’article " De lumière et d’ombre " par Hervé Matte.
Ribera 4 - Article de Ribera, " The mysterious Ummo affair ", publié en 1975 dans la Flying Saucer Review, en cinq parties : (R 4-1) Partie 1, volume 24-4, jan 75
(R 4-2) Partie 2, vol 20-5, mars 75
(R 4-3) Partie 3, vol 21-1, juin 75
(R 4-4) Partie 4, vol 21-2, août 75
(R 4-5) Partie 5, vol 21-3 et 4, nov 75.
Stendek 1- Article de Oscar Rey Brea, "Algo sobre las fotografias del supuesto ovni de San José de Valderas", dans la revue Stendek No 9, août 1972.
Vallée 1 - Livre de Jacques Vallée Le collège invisible, Albin Michel 1975 (trad. de l'anglais. Ed. orig. The Invisible College, 1975).
Poher 1 - Article de Claude Poher dans la revue Lumières dans la Nuit (LDLN) No 166, juin-juillet 77 : "Les observations d’Aluche et de San José de Valderas ainsi que l’affaire Ummo : Une supercherie de taille !"
Guerrero 1 - Livre du Père Enrique López Guerrero, Mirando a la Lejanía del Universo, Barcelone, 1978.
Ribera 5 - Livre de Antonio Ribera seul : El Misterio de Ummo , 1979 (Plaza & Janés, Barcelone).
Traduction française : Les Extra-Terrestres sont-ils parmi nous ? Le véritable langage Ummo 1ere édition en 1984 (Editions du Rocher) 2eme édition en 1991, juste après le premier livre de Jean-Pierre Petit.
Petit 1 - Livre de Jean-Pierre Petit Enquête sur des Extra-terrestres qui sont déjà parmi nous, Albin Michel 1991.
Castello 1 - Livre de Martine Castello et al., La conspiration des étoiles. Les Ummos : terrestres ou extraterrestres ? , Robert Laffont, 1991.
Sider 1 - Jean Sider, article "Ummo :Les raisons d’un doute ", dans LDLN No 307, janvier-février 1991.
Vallée 2 - Livre de Jacques Vallée Révélations, R. Laffont, 1992 (trad. de l’anglais, éd. orig. 1991).
Caudron 2 - Dominique caudron, "Coucou, nous étions là", dans Ovni Présence, mai 1992.
Bourret, Velasco 1 - Livre de Jean-Claude Bourret et Jean-Jacques Velasco, Ovnis, la science avance, R. Laffont, 1993.
Caudron 1 - Dominique Caudron, " Les Ummoristes sont parmi nous ", dans le livre collectif édité par Thierry Pinvidic OVNI. Vers une anthropologie d’un mythe contemporain, (Editions Heimdal, 1993).
Marhic 1 - Livre de Renaud Marhic L’affaire Ummo : les extraterrestres qui venaient du froid Editions Les Classiques du Mystère, 1993.
Agostinelli 1 - Article de Alejandro Agostinelli " Affaire Ummo : l’interview de l’homme-clé ", revue Phénomèna No 15, mai-juin 93.
Marhic 2 - Article de Renaud Marhic " La mystification d’Ummo : des aveux qui appartiennent à l’histoire ", revue Phénomèna No 19, janv-fév 1994.
Chourinov 1 - Livre de Boris Chourinov, Ovnis en Russie. Les deux faces de l’ufologie russe, Trédaniel, 1995.
Petit 2 - Livre de Jean-Pierre Petit Le mystère des Ummites. Une science venue d’une autre planète ?, Albin Michel, 1995.
Clark 1 - Jerome Clark, article "Ummo Hoax", dans The UFO Encyclopedia Volume 3", 1996.
Petit 3 - "Jean-Pierre Petit répond à Phénomèna" No 25, jan-fév 95.
Petit 4 - Entretien avec Jean-Pierre Petit, "Science, Ovnis et militaires", dans la revue Incroyable et scientifique, numéro 13, juin-juillet 1997.
Petit 5 - Livre de Jean-Pierre Petit On a perdu la moitié de l'univers, Albin Michel, 1997.
  Autres sources citées :
Luminet 1 - Livre de Jean-Pierre Luminet : L'Univers chiffonné, Librairie Arthème Fayard, 2001.
Sheldrake 1 et 2 - Livres de Rupert Sheldrake : Une nouvelle science de la vie, Le Rocher 1981 ; La mémoire de l'Univers, Le Rocher, 1988.
Heidmann 1 - Livre de Jean Heidmann Intelligences extraterrestres, Editions Odile Jacob, 1992.
Dans Phénomèna No 39, 1998.  
Crédit photo : Cuadernos de Ufologia, Rualasal 22, 39001, Santander, Espagne.  
Décembre 2001